Les parois des cellules végétales

Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay

  1. Introduction
  2. Constituants des parois des cellules végétales
    1. Cellulose
    2. Hémicelluloses
    3. Pectines
    4. Lignine
    5. Subérine
    6. Protéines
  3. Dépôt de la paroi cellulaire primaire et secondaire
  4. Croissance de la paroi cellulaire primaire
  5. Transport dans la paroi cellulaire
  6. Signalisation à partir de la paroi cellulaire
  7. Destruction de la paroi cellulaire

Introduction

Lorsqu’au XVIIème siècle Robert Hooke a observé au microscope des tissus végétaux, il a observé des logettes qu’il a appelé cellule. On sait maintenant qu’il avait observé surtout de la paroi cellulaire, car le tissu observé (du liège) est essentiellement formé de cellules mortes et seule la paroi cellulaire persiste.

*Les premières « cellules » observées par Robert Hooke en 1665 sont surtout des parois végétales. Source : Micrographia : https://en.wikipedia.org/wiki/Robert_Hooke#/media/File:RobertHookeMicrographia1665.jpg

De manière similaire, le bois est essentiellement constitué de cellules mortes dont il ne reste que la paroi. Les propriétés du bois découlent donc directement des propriétés de la paroi cellulaire.

La paroi des cellules végétales constitue leur « squelette ». Pour les végétaux aériens, elle est un élément indispensable pour leur soutien et notamment la croissance en hauteur. Lorsqu’elle est lignifiée, la paroi cellulaire permet une grande solidité qui permet de développer des structures très hautes qui assurent l’accession à un maximum de lumière, principale source d’énergie. Cela se fait au prix de l’impossibilité de la migration cellulaire, ce qui distingue les cellules végétales des cellules animales.

*Schéma d’une coupe transversale de tige (âgée de 2 ans).
Les tissus secondaires (issus du cambium et du phellogène) sont en caractères gras. Avec le temps, l’accroissement du bois va comprimer le parenchyme médullaire jusqu’à le faire disparaître. Source : https://planet-vie.ens.fr/thematiques/vegetaux/anatomie-vegetale-et-histologie-vegetale/la-structure-secondaire-des-tiges
*Coloration d’une coupe de tige au carmin-vert d’iode. La cellulose est alors colorée en rouge et la lignine en vert. Source : https://planet-vie.ens.fr/thematiques/vegetaux/anatomie-vegetale-et-histologie-vegetale/colorations-de-cellulose-et-lignine

Pour les méthodes de coloration histologique de la cellulose et de la lignine : voir ce lien.

Constituants des parois des cellules végétales

Cellulose

La cellulose, connue pour être la molécule organique la plus abondante sur Terre, joue un rôle essentiel dans le règne végétal. Elle est classée parmi les polysaccharides, des polymères complexes composés de multiples unités de glucose. La structure de la cellulose se distingue par des liaisons β-(1→4) entre les glucoses, contrairement à l’amidon et au glycogène qui présentent des liaisons α-(1→4) ainsi que des ramifications α-(1→6). Deux glucoses liés par des liaisons β-(1→4) forment la cellobiose. Une chaîne de cellulose comporte entre 1.000 à 30.000 glucoses selon les espèces et les tissus.

*Comparaison de la polymérisation à l’origine de l’amidon et du glycogène et de celle à l’origine de la cellulose. La liaison osidique est différente et aboutit à un diholoside différent (maltose et cellobiose). Source : https://www.youtube.com/watch?v=P7ByiVPKSCY
*Représentation schématique d’une partie de microfibrille comprenant deux chaînes de cellulose. Les liaisons hydrogène inter- et intra-moléculaires contribuent à la solidité de la cellulose et sa forte résistance à la traction. D’un glucose au suivant dans une chaine, il y a une rotation de 180° qui permet de réaliser une succession de liaisons hydrogène entre l’oxygène du cycle et le OH en position 3, conférant ainsi une structure fibreuse à la cellulose. Il n’y a pas de ramifications. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellulose#/media/Fichier:Liaisons_hydrog%C3%A8ne_entre_mol%C3%A9cules_de_cellulose.svg

L’association de 36 chaînes de cellulose entre elles par des liaisons hydrogènes inter-moléculaire forme une microfibrille (d’un diamètre de 10-25 nm). L’association de 6 microfibrilles de cellulose forme une macrofibrille et un agencement de plusieurs macrofibrilles forme une fibre de cellulose.

La biosynthèse de la cellulose implique des cellulose synthases organisées en rosette intégrée dans la membrane plasmique. La cellulose est synthétisée à partir de molécules de glucose activées par l’UDP. La cellulose synthase couple l’élongation du polymère cellulosique avec sa translocation vers l’extérieur de la cellule à travers un pore dans la membrane plasmique.

*Le complexe de la cellulose synthase (CS) et les protéines associées. La CS forme des rosettes hexagonales (à 6 faces) avec 3 sous-unités de cellulose synthase A (CESA), ce qui donne 18 CESA au sein de chaque CS. CSI1 relie le complexe aux microtubules corticaux grâce à la liaison de son domaine C2 et facilite le mouvement bidirectionnel des complexes à travers la membrane plasmique. CC1 et CC2 se lient aux microtubules via le domaine N-terminal CC1/2, nécessaire au maintien de l’activité du complexe et de la dynamique des microtubules. KOR1 fait partie intégrante du complexe des CS et régule la biosynthèse de la cellulose grâce à son activité endo-1,4-ß-d-glucanase. COBRA, une protéine ancrée par glycosylphosphatidylinositol (GPI) dans la membrane plasmique, se déploie dans la matrice extracellulaire et régule l’activité du complexe CS, l’organisation des fibres de cellulose et l’interaction avec d’autres composants de la paroi cellulaire. Source : https://www.mdpi.com/2223-7747/7/3/52

Dans les cellules végétales, des faisceaux de microtubules corticaux (juste sous la membrane plasmique) jouent un rôle fondamental pour guider les mouvements des complexes de cellulose synthase qui permettent la synthèse de cellulose de la paroi. L’orientation des microfibrilles de cellulose est directement dépendante de l’orientation des microtubules corticaux. Cette orientation détermine ensuite selon quel axe la cellule va pouvoir s’allonger (l’allongement se fait perpendiculairement à l’orientation des microtubules corticaux et des microfibrilles de cellulose), ce qui est un paramètre crucial pour la morphogénèse des tissus végétaux.

*Les microtubules corticaux des cellules végétales guident l’orientation des fibres de cellulose dans la paroi.
Un complexe en forme de rosette contenant plusieurs cellulose synthases sont rattachés aux microtubules corticaux par des protéines de liaison, telles que CSI1 et donnent naissance à plus d’une douzaine de chaînes cellulosiques, qui forment rapidement une microfibrille de cellulose cristalline dans la paroi cellulaire. Les microtubules corticaux sont reliés entre eux par des protéines comme MAP65 qui stabilise l’ensemble de la structure. Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4441250/

Grâce à sa rigidité et sa solidité, la cellulose constitue la principale composante des parois cellulaires des plantes, lui conférant ainsi un rôle clé dans leur architecture et leur protection. Elle offre une structure de soutien aux cellules végétales, leur permettant de résister aux forces mécaniques et aux pressions environnementales. De plus, la cellulose est également impliquée dans le transport de l’eau et des nutriments à travers les plantes.

La dégradation de la cellulose est bien moins répandue dans le monde vivant que celle de l’amidon et est réalisée par certaines enzymes spécifiques appelées cellulases, présentes chez des micro-organismes, tels que les bactéries et les champignons. Ces enzymes sont capables de décomposer la cellulose en ses unités de glucose constitutives, rendant ainsi la cellulose accessible comme source d’énergie ou de matériaux pour ces organismes et les organismes qui les abritent (les hôtes des microbiotes intestinaux par exemple).

Outre son importance biologique, la cellulose est également utilisée par l’homme dans divers secteurs industriels où elle constitue un matériel de choix en raison de son abondance et de ses propriétés physiques. En tant que matière première renouvelable, elle est utilisée dans la production de papier, de textiles tels que le coton (les poils des graines de coton sont composés à près de 95% de cellulose, un record), et même dans la fabrication de bioplastiques respectueux de l’environnement. Les gènes impliqués dans la formation de la paroi cellulaire du coton sont d’ailleurs très étudiés pour des raisons économiques (You et al., 2023).

Hémicelluloses

Ce sont des polysaccharides (glucose, xylose, arabinose…) plus courtes que dans la cellulose et ramifiés par des chaines très courtes. Ils font le lien entre les fibrilles de celluloses (avec lesquelles elles peuvent se lier par des liaisons hydrogènes). Tandis que les celluloses assurent l’armature de la paroi, les hémicelluloses assurent sa cohésion.

Chez les Angiospermes, les chaines latérales courtes commencent en général par un xylose (et ce sont donc des xyloglucanes).

La callose est une hémicellulose qui est produite en cas de blessure pour éviter l’entrée de pathogènes.

Pectines

Il s’agit de polysaccharides riches en acides polygalacturoniques. Ils influencent la porosité et l’extensibilité de la paroi. Les acides galacturoniques portent chacun un groupement carboxyle COO et lorsqu’ils ne sont pas méthylés, ces groupements peuvent interagir par liaisons ioniques avec des ions Ca2+. Ces ions attirent l’eau ce qui est à l’origine des propriétés gélifiantes des pectines.

*Schéma général de la structures des pectines. Les acides galacturoniques peuvent être méthylés et non méthylés. Lorsqu’il y a des successions longues de plusieurs acides galacturoniques non méthylés, elles forment une structure en « boîte à oeufs » qui enferment des ions Ca2+ par liaisons ioniques. Par ailleurs, la présence de rhamnose dans la chaîne provoque un changement de direction. Source : https://uel.unisciel.fr/biologie/module1/module1_ch03/co/apprendre_ch3_12.html

Les précurseurs des pectines sont synthétisés dans l’appareil de Golgi et transportés vers la membrane plasmique, où ils sont traités et incorporés dans la paroi existante. Les pectines sont particulièrement abondantes dans la lamelle moyenne qui correspond à la partie centrale de la paroi, à l’interface entre la paroi synthétisée par une cellule et celle synthétisée par la cellule voisine. La lamelle moyenne est par ailleurs la couche la plus appauvrie en cellulose parmi les différentes couches de la paroi.

Lignine

La lignine désigne un ensemble de macromolécules polyphénoliques qui sont déposées secondairement dans la paroi. Elle est la principale composante du bois. La lignine confère une grande rigidité à la paroi et elle est spécifique des Trachéophytes (elle est aussi présente chez quelques algues rouges par convergence évolutive). Elle est essentielle au port des plantes qui font plus d’1 mètre de hauteur et où la pression du turgescence contre la paroi primaire ne suffirait pas à maintenir la plante érigée. La lignine permet aussi à la paroi des faisceaux de xylème de supporter la pression négative liée à l’évapotranspiration.

Le précurseur de la formation de la lignine est la phénylalanine. Cet acide aminé subit une désamination oxydative par la Phénylalanine ammonia-lyase (PAL) puis une série d’autres étapes enzymatiques.

**Étapes générales de la production de lignine via la voie phénylpropanoïde. Les monomères de lignine H, G et S sont les unités de base des polymères de lignine. Les tailles relativement petites des structures chimiques des lignines C et 5H par rapport aux monomères de lignine H, G et S indiquent que les monomères de lignine C et 5H sont rares. Abréviations : 4CL = 4-coumarate:CoA ligase ; C3H = p-coumaroyl shikimate 3′-hydroxylase ; C4H = cinnamate 4-hydroxylase ; CAD = alcool cinnamylique déshydrogénase ; COMT = acide caféique/5-hydroxyconiféraldéhyde 3-O-méthyltransférase ; CSE = caféoyl shikimate estérase ; F5H = férulate/coniféraldéhyde 5-hydroxylase ; HCT = hydroxycinnamoyl CoA:shikimate hydroxycinnamoyl transférase ; PAL = L-phénylalanine ammoniaque-lyase. Source : https://www.cell.com/trends/plant-science/fulltext/S1360-1385(16)30008-5

La transcription des gènes codant les enzymes impliquées dans la biosynthèse des lignines est sous le contrôle des facteurs de transcription VND1-7 et NST1-3.

Subérine
*Ecorce de chêne-liège (Quercus suber) très riche en subérine. Source : https://www.voyage-hors-saison.fr/2009/bormes-les-mimosas-et-detente-le-vallon-des-caunes/ecorce-de-chene-liege/

La subérine est un polymère lipidique (longues chaînes de polyesters d’acides gras et de composés phénoliques liés aux chaînes lipidiques par des liens esters et éthers) imperméable qui se dépose dans la paroi de certains tissus (endoderme des racines qui sépare les tissus vasculaires du cortex, liège ou suber dans le périderme, tégument de diverses graines, également dans les zones d’abscission). Avec la cutine qui lui est proche, la subérine joue un rôle de protection contre la déshydratation, contre les parasites et aussi contre le feu.

La subérine se dépose aussi au niveau des sites de blessure et d’abscission.

*Zone d’abscission foliaire chez le noyer recouverte de subérine (marron-beige). On observe également les cicatrices des éléments vasculaires (brun-vert). Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Abscission#/media/Fichier:Bladlitteken_van_Juglans_regia.jpg

Chez Arabidopsis, il y a expression au niveau de ces sites du gène FAR4, codant une acide gras-CoA réductase impliquée dans la synthèse de la subérine (Domergue et al., 2010).

*Expression de gène rapporteur GUS sous le contrôle du promoteur de FAR4, un gène codant une enzyme impliquée dans la synthèse de la subérine, dans des feuilles blessées d’Arabidopsis. Source : https://academic.oup.com/plphys/article/153/4/1539/6111261
Protéines

Les protéines sont en proportion très minoritaires dans la paroi cellulaire des végétaux ce qui est une situation très différente de la matrice extracellulaire des animaux. Il s’agit de HRGP (Hydroxyprolin Rich Glyco Protein) qui est une protéine de structure, d’enzymes impliquées dans le renouvellement ou le remodelage de la paroi (cellulases, pectinases…) ou qui interviennent dans la défense contre les pathogènes (chitinase).

Dépôt de la paroi cellulaire primaire et secondaire

Dans les derniers stades de la mitose, une cellule végétale assemble un phragmoplaste qui est un réseau de microtubules important pour le dépôt de matériau à la plaque cellulaire où se formera la paroi entre les deux cellules-filles. Des vésicules dérivées de l’appareil de Golgi remplies de pectine voyagent le long de ces microtubules et s’alignent le long de la plaque cellulaire et fusionnent formant la lamelle pectique. Du réticulum endoplasmique se place en travers de cette lamelle pectique, ce qui ménage des espaces qui formeront les plasmodesmes, reliant le cytoplasme de cellules voisines. Les couches cellulosiques se déposent par la suite dans la plaque cellulaire pour former la paroi entre les deux cellules filles.

*Dépôt de la paroi primaire entre deux cellules-filles à la fin de la mitose. Les vésicules remplies de pectine et la lamelle moyenne est représentée en rose. La paroi cellulosique est représentée en bleu. Les structures blanches ramifiées sont des éléments du réticulum endoplasmique qui ménagent des espaces à l’origine des plasmodesmes. Source : https://uel.unisciel.fr/biologie/module1/module1_ch04/co/apprendre_ch4_01.html

La paroi primaire est d’abord déposée dans toutes les cellules, puis après une éventuelle phase de croissance, la paroi secondaire est déposée dans les cellules de certains tissus (xylème, sclérenchyme…).

La biosynthèse de la cellulose implique des cellulose synthases (ou CESA) organisées en rosette intégrée dans la membrane plasmique. Au cours de l’épaississement de la paroi, la cellulose fraichement synthétisée est donc toujours celle la plus proche de la membrane plasmique et la plus ancienne cellulose à une plus grande distance.

Les différentes CESA sont codées par une famille multigénique. L’étude de mutants a montré que trois sous-unités CESA différentes, CESA1, 3 et 6, sont importantes pour la biosynthèse de la cellulose de la paroi cellulaire primaire. Un certain niveau de redondance fonctionnelle est observé entre CESA2, 5 ou 9 avec CESA6, alors que les sous-unités CESA1 et 3 ne sont pas redondantes et sont donc nécessaires à la synthèse de la cellulose (Desprez et al., 2007; Persson et al., 2007).

Les CESA 4, 7 et 8 sont spécifiquement impliquées dans la synthèse de cellulose dans les parois secondaires et la transcription des gènes correspondants est co-régulée (Perrson et al. 2005, Brown et al., 2005).

Une modulation précise de la biosynthèse de la paroi secondaire riche en lignine se réalise en fonction des paramètres de l’environnement. Par exemple, les blessures favorisent le métabolisme de la lignine via l’inhibition de l’expression de l’activité (via des modifications post-traductionnelles) du facteur de transcription LTF1, de la famille MYB qui est un inhibiteur de la production de lignine (Gui et al., 2019). De manière générale, LTF1 retarde le dépôt de lignine dans la paroi pour donner le temps à la croissance de la paroi primaire de se faire suffisamment.

*LTF1 est nécessaire pour éviter un dépôt de la lignine trop précoce par rapport à la croissance en longueur de la plante. Des plants de jeunes peupliers contrôle (LE62) et mutants perte-de-fonction pour le gène LTF1 sont mis à pousser. Des coupes transversales des tiges sont colorées au phloroglucinol–HCl (qui colore en rose fuschia la lignine). On constate qu’en absence de LTF1 fonctionnelle, la plante est plus petite et il y a plus de lignine déposée dans la paroi (couleur rose plus marquée). Source : https://www.cell.com/molecular-plant/fulltext/S1674-2052(19)30173-X

Les gibbérellines (une famille d’hormones végétales diterpéniques tétracycliques) stimulent la production de la paroi secondaire.

**Les gibbérellines stimulent la production de la paroi secondaire en activant via CEF1 la transcription des gènes codant des enzymes pour sa synthèse. Des plants de riz sauvages (CEF1) ou mutés perte-de-fonction cef1 pour un gène codant un facteur de transcription sont cultivés ou non avec des gibbérellines (GA). 6 heures plus tard, on extrait les ARNm et on analyse par RT-qPCR l’expression de gènes dont les produits sont impliqués dans la synthèse de la paroi secondaire. Source : https://link.springer.com/article/10.1007/s11103-015-0376-0

Croissance de la paroi cellulaire primaire

La croissance de la paroi primaire est un élément essentiel à la croissance en longueur des tiges et, dans une moindre mesure, des racines. L’auxine à de fortes concentrations a surtout un rôle positif sur l’élongation cellulaire dans la tige et un rôle inhibiteur dans la racine.

*Représentation schématique de la courbe dose-réponse de l’auxine sur l’élongation cellulaire. Source : https://planet-vie.ens.fr/thematiques/developpement/controle-du-developpement/le-gravitropisme-des-vegetaux

Dans la tige, l’auxine induit une expansion cellulaire rapide et cela peut être mimé par exemple en incubant des segments d’hypocotyle dans un milieu acide (pH 4,5). Cependant, l’action des protons n’est pas directe sur les composants de la paroi car l’expansion en milieu acide n’a pas lieu si les hypocotyles ont été traités au préalable avec des protéases. On en déduit le modèle suivant : l’auxine agit en acidifiant l’apoplasme où se trouve la paroi cellulaire, ce qui entraîne l’activation de protéines localisées dans la paroi qui lui permettent de se relâcher avec la pression de turgescence. Il s’agit d’un mécanisme de croissance connu sous le nom de « théorie de la croissance acide » qui date des années 1970.

*Acidification de la paroi dans la zone d’élongation de la racine. On observe des cellules de l’épiderme de racines en croissance d’Arabidopsis. Les changements de pH ont été visualisés avec des valeurs ratiométriques de HPTS (molécule dont la fluorescence dépend du pH et qui ne rentre pas dans les cellules (reste dans l’apoplasme)). La barre latérale montre la coloration de la fluorescence en fonction du pH (pH élevé en haut et pH bas (acide) en bas). Barre d’échelle = 10 µm. Source : https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.1613499114

Dans la tige, l’auxine déclenche l’efflux de protons, en activant la H+-ATPase de type P localisée dans la membrane plasmique. Chez Arabidopsis, les H+-ATPases sont codées par une famille de gènes qui comprend 11 membres appelés AHA. A la suite de la présence d’auxine, la phosphorylation de l’avant-dernier résidu Thr conservé (Thr948 dans AHA1, Thr947 dans AHA2) invalide l’autoinhibition de l’activité de la pompe ATPase par la région C-terminale cytoplasmique. L’auxine induit l’expression dépendante de TIR1/AFB des protéines SAUR qui agissent comme des inhibiteurs des phosphatases PP2C.D, qui sont responsables de la déphosphorylation de l’avant-dernier résidu des pompes. La signalisation auxine active donc des inhibiteurs des inhibiteurs des H+-ATPases. En parallèle, la signalisation activée par l’auxine stimule l’activité des kinases TMK qui phosphorylent l’avant-dernière Thr des pompes à protons (Lin et al., 2021).

***Rôle de AHA1 et de TMK dans l’acidification de la paroi en réponse à l’auxine. Comparaison du pH apoplastique dans les hypocotyles 2-3 jours après la germination de plants de type sauvage (Col-0), et mutées ost2-2D qui a une pompe à proton AHA1 continuellement active et le mutant perte-de-fonction tmk1-1 /mk4-1. Les changements de pH ont été visualisés avec des valeurs ratiométriques de HPTS (molécule dont la fluorescence dépend du pH et qui ne rentre pas dans les cellules (reste dans l’apoplasme)). La barre latérale montre la coloration de la fluorescence en fonction du pH (pH élevé en haut et pH bas (acide) en bas). Barre d’échelle : 100 μm. Source : https://www.nature.com/articles/s41586-021-03976-4

En parallèle, l’auxine stimule également l’exocytose de vésicules qui contiennent des pompes à H+ enrichissant ainsi la membrane plasmique et permettant une acidification de la paroi encore plus importante. L’auxine diminue également l’endocytose des pompes à H+ en inhibant l’expression de la protéine de type SNARE SYP132 qui est impliquée dans ce processus (Xia et al., 2019).

*Effet de l’auxine sur l’expression de SYP132 impliqué dans l’endocytose des pompes à protons. Des tiges d’Arabidopsis sont soumises pendant 0, 60 ou 180 min à un traitement avec un analogue de l’auxine (NAA) et leur ARNm sont extraits. On étudie par RT-PCR l’expression de 3 gènes codant des protéines de type SNARE, SYP121, SYP123 et SYP132. On compare l’expression après traitement relativement à l’expression sans traitement. Il y a une diminution significative spécifique de l’expression de SYP132 qui est impliqué dans l’endocytose des pompes à protons. Source : https://academic.oup.com/plphys/article/180/2/837/6117742

Les protéines activées par la baisse de pH dans la paroi en réponse à l’auxine sont principalement les expansines.

*Localisation de l’α-expansine dans des cellules en expansion. Marquage avec des anticorps dirigés contre l’α-expansine et couplés à des particules d’or (points noirs denses). On observe un marquage dans les parois cellulaires (en haut en A et en B dans la région marquée CW) et dans des vésicules de sécrétion dérivées de l’appareil de Golgi (têtes de flèches en B). (A) Cellule épidermique de la région de croissance d’un hypocotyle de concombre étiolé. (B) Cellule épidermique d’un coléoptile de maïs étiolé. Source : https://academic.oup.com/pcp/article/43/12/1436/1914942

Outre les expansines, l’acidité pariétale active aussi les xyloglucanes endotransglycosylases (XET) qui hydrolysent le squelette des xyloglucanes. Elles permettent l’insertion de nouvelles molécules de xyloglucanes permettant la croissance.

A plus long terme, l’auxine agit en faveur de la croissance cellulaire en stimulant la transcription des gènes codant les expansines ou les enzymes de synthèse des glucides pariétaux.

**Vue d’ensemble schématique des principaux constituants et processus de la voie de réponse BR rapide associée à la membrane plasmique initiant les premières étapes de l’élongation cellulaire, ici représentée par le brassinolide (BL). (A) État inactif : Co-localisant dans un complexe nano-organisé préformé, les inhibiteurs BKI1, BIK1 et BIR3 suppriment l’activité de BRI1 en l’absence de BL en maintenant l’activité des H+-ATPases AHA1 et 2 à des niveaux basiques. Par interaction avec BAK1, BIR3 bloque l’accès du co-récepteur à BRI1. (B) État actif : lors de la liaison de BL au récepteur, les mécanismes inhibiteurs de BKI1, BIK1 et BIR3 sur BRI1 et BAK1 sont libérés, provoquant la formation du complexe actif BRI1/BAK1. Le complexe améliore l’activité AHA entraînant une acidification de la paroi cellulaire, une hyperpolarisation de la membrane plasmique et éventuellement le début de l’élongation cellulaire. Ces constituants clés et les processus décrits qualitativement ont été utilisés pour l’établissement initial du modèle informatique au niveau cellulaire. Source : https://elifesciences.org/articles/73031

Les gibbérellines jouent un rôle dans la croissance de la paroi primaire, notamment au niveau des entrenoeuds de la tige. Plusieurs mécanismes complémentaires y contribuent, notamment la régulation des microtubules qui forment un réseau essentiel pour le dépôt de la cellulose et l’expansion cellulaire.

**Les gibbérellines (GA) favorisent le dépot de cellulose via le contrôle de la formation des microtubules. En l’absence de GA, les protéines DELLA retiennent le complexe préfoldine (PFD) dans le noyau par interaction directe. La présence de GA entraîne la destruction des protéines DELLA, ce qui permet au complexe préfoldine d’atteindre le cytoplasme, entraînant une production accrue de dimères de tubuline. La disponibilité accrue de la tubuline est en corrélation avec l’alignement des microtubules corticaux transversaux et l’expansion cellulaire. Source : https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(13)00445-4

Transport dans la paroi cellulaire

La paroi cellulaire n’a pas qu’une fonction structurale mais est aussi un lieu de passage de diverses molécules.

Des protéines de transfert lipidique LTP permettent de transporter des molécules hydrophobes tels que les lipides et les sesqui-/di-terpènes depuis la membrane plasmique jusqu’à la cuticule (DeBono et al., 2009; Lee et al., 2009). Les molécules de signalisation volatiles telles que l’isoprène ou le limonène sont aussi transportées à travers la paroi par ces protéines de transfert et cela est utile à la fois pour leur émission que pour leur réception (Liao et al., 2023).

**LTP3 (une protéine de transfert de lipides) présent dans la paroi est nécessaire à l’émission de composés organiques volatils à partir de fleurs de pétunia. L’émission de tous les composés organiques volatils a été mesuré à partir de fleurs de 2 jours de pétunia chez les plantes sauvages (WT) ou transfectés avec un vecteur vide (EV) ou permettant d’exprimer les ARNi (ARN interférents) inhibant l’expression de LTP3 seul ou de LTP1 et de LTP3. Source : https://www.nature.com/articles/s41467-023-36027-9

Signalisation à partir de la paroi cellulaire

Il existe une voie de signalisation qui permet à la cellule de connaitre l’intégrité de sa paroi cellulaire et de réagir en cas de perte de cette intégrité ou de croitre si la paroi est normale.

**Structure de la paroi et stimuli à l’interface paroi/membrane plasmique. PAMPs = pathogen-associated molecular patterns; DAMPs = damage-associated molecular patterns. Source : https://ntnuopen.ntnu.no/ntnu-xmlui/bitstream/handle/11250/2644346/Vaahtera.pdf?sequence=5

L’une des principales protéines impliquées est FERONIA (FER) qui est une kinase qui joue un rôle dans la préservation de l’intégrité des cellules en croissance dans les racines et dans la réponse aux stress biotiques et abiotiques. Le mécanisme par lequel FER perçoit l’état de la paroi cellulaire est peu connu mais il implique des stimuli mécaniques à l’interface paroi/membrane plasmique (Vaahtera et al., 2019) ainsi que des stimuli chimiques : par exemple, la pectine ou les produits de dégradation dérivés de la pectine résultant de la dégradation de la paroi cellulaire lors d’une infection par un agent pathogène sont impliqués dans les réponses au stress biotique et abiotique et peuvent activer des changements dans les niveaux calciques intracellulaires et d’oxygène réactif (ROS) (Benedetti et al., 2015).

Destruction de la paroi cellulaire

La dégradation de la cellulose est bien moins répandue dans le monde vivant que celle de l’amidon et est réalisée par certaines enzymes spécifiques appelées cellulases, présentes chez des micro-organismes, tels que les bactéries et les champignons. Ces enzymes sont capables de décomposer la cellulose en ses unités de glucose constitutives, rendant ainsi la cellulose accessible comme source d’énergie ou de matériaux pour ces organismes et les organismes qui les abritent (les hôtes des microbiotes intestinaux par exemple).

Lors de l’abscission des feuilles, l’éthylène provoque la lyse de composants des parois cellulaires dans la zone d’abscission. Cet effet est contre-balancé par l’auxine lorsque ce n’est pas encore la période de la chute des feuilles.

Par ailleurs, dans les laboratoires de recherche, on peut réaliser une dégradation de la paroi cellulaire pour mettre en culture des protoplastes, des cellules végétales sont paroi qui prennent une forme sphérique. Les protoplastes sont utilisés pour réaliser des transformations génétiques, étudier la biochimie cellulaire sans être perturbé par des composants de la paroi, etc…

*Protoplaste de mésophylle de feuille de poireau. Source : https://www.snv.jussieu.fr/bmedia/paroi/morphologie.htm

D’AUTRES RESSOURCES POUR APPROFONDIR :

Cours Unisciel sur la paroi des cellules végétales