Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay
Les transitions épithélio-mésenchymateuses
La transition épithéliale-mésenchymateuse (EMT) consiste en l’acquisition, pour une cellule, de propriétés mésenchymateuses à la place de caractéristiques épithéliales. Cela implique la perte (éventuellement partielle) d’interactions cellule-cellule et de la polarité apico-basale, et le gain de caractéristiques mésenchymateuses telles que les expansions cytosoliques, la polarité arrière-avant et l’augmentation de la capacité de migration et d’invasion, le tout accompagné d’un changement radical de type d’interactions cellules-matrice extracellulaire (MEC). Il ne faut cependant pas voir ces états de manière trop binaire : il existe de nombreux états intermédiaires.
L’EMT est impliquée dans de nombreux processus physiologiques (développement embryonnaire, cicatrisation) et pathologiques (fibrose, cancers). De nombreuses études sur les EMT lors du développement embryonnaire ont été suivies de la découverte des mêmes acteurs impliqués dans le passage de tumeurs in situ à des métastases.


Historique
Elizabeth Hay (1927-2007) à Harvard a été la première à décrire l’EMT et à utiliser plus tard ce terme. À partir de 1958, elle a travaillé sur la régénération des membres d’amphibiens et notamment décrit la dédifférenciation des cellules cartilagineuses des membres de la salamandre, qui peuvent participer à la formation de nouveaux membres en se redifférenciant. Ce processus ressemble à une EMT. Elizabeth Hay a ensuite travaillé sur le développement embryonnaire du poulet. Grâce aux descriptions très précises des images de microscopie optique et électronique obtenues à partir de tissus embryonnaires, elle a identifié et répertorié différents phénotypes cellulaires. En 1968, elle a décrit comment les tissus mésenchymateux sont issus des cellules épithéliales lors de l’émergence et de la migration des cellules de la crête neurale.
Hay et son équipe ont utilisé le terme EMT pour la première fois en 1982, dans une publication décrivant une culture de cellules épithéliales de cristallin de poulet en suspension dans des gels de collagène qui peut conduire à des expansions cytosoliques, comme dans les pseudopodes. Ces cellules sont alors capables de se déplacer individuellement dans la matrice de collagène, et elles ressemblent à des cellules mésenchymateuses. En 1982, des chercheurs suisses et allemands (équipe de Karl Illmensee, Université de Genève) ont montré que les premières cellules mésenchymateuses apparaissant lors de l’embryogenèse de souris proviennent de cellules épithéliales qui perdent l’expression des protéines des desmosomes et des cytokératines et commencent à exprimer la vimentine.
Depuis 1990, quelques équipes ont montré la grande importance des protéines de la famille du TGF (facteur de croissance transformant), TGF-α et TGF-β1-3 au cours de l’EMT. En effet, l’expression du TGF-α conduit à un phénotype mésenchymateux et invasif dans les cellules cancéreuses de la prostate de rat. En 1991, Potts et al. ont montré l’importance du TGF-β3 dans l’EMT des cellules endothéliales cardiaques embryonnaires et en 1994, ils ont montré que les cellules épithéliales mammaires peuvent subir une EMT après un traitement au TGF-β. En 1999, le laboratoire de Peter Ten Dijke (Ludwig Institute for Cancer Research, Uppsala, Suède) a montré pour la première fois l’implication des protéines SMAD dans l’induction de l’EMT après activation du récepteur TGF-β. Enfin, l’équipe de Hay a travaillé en 2008 sur des lignées cellulaires cancéreuses, montrant que les facteurs de transcription de la famille SNAIL peuvent induire l’expression du TGF-β3.
Les cellules épithéliales sont considérées comme ayant tout ou partie des caractéristiques biologiques cellulaires suivantes: polarité apicobasale, jonctions serrées, jonctions adhérentes, jonctions gaps, desmosomes, hémidesmosomes reliés à une lame basale, filaments intermédiaires à base de kératine, faisceau cortical de fibres d’actine. Cependant, la plupart des tissus épithéliaux embryonnaires ne contiennent pas ce spectre complet de caractéristiques, et les composants moléculaires généralement associés à ces structures subcellulaires ne sont pas uniquement ou universellement présents dans les cellules épithéliales (Nakaya et Sheng, 2013). L’expression de la E-cadhérine, par exemple, peut être détectée dans des cellules non épithéliales (Filimonow et al., 2019), et de nombreuses structures épithéliales telles que l’endothélium vasculaire n’expriment pas la E-cadhérine (Giampietro et al., 2012; van Roy, 2014) mais la N-cadhérine et la VE-cadhérine. De plus, lorsque le même processus de développement est étudié (par exemple la gastrulation ou la formation des crêtes neurales), les types et la dynamique de l’expression des cadhérines peuvent dépendre de l’organisme modèle. Ainsi, au lieu d’utiliser des marqueurs moléculaires, un épithélium peut être mieux défini comme un groupe de cellules qui sont collectivement polarisées avec des surfaces apicales et basolatérales partagées et qui fonctionnent comme une barrière physicochimique entre deux compartiments (Yang et al., 2020).
Les cellules mésenchymateuses, en revanche, sont définies comme des cellules non épithéliales. Elles ne maintiennent pas une polarité cellulaire stable, ont des interactions cellule-cellule et cellule-matrice dynamiques, ont des filaments intermédiaires à base de vimentine et des fibres de tension d’actine, et sont plus mobiles que les cellules épithéliales. Au cours du développement, les cellules doivent souvent se déplacer sur de longues distances depuis leur lieu d’origine jusqu’à leur destination finale.


Les variations des organisations cellulaires épithéliales et mésenchymateuses et les interconversions ont été décrites en utilisant divers termes. Ceux-ci comprennent: entièrement épithélial (état plein E; présentant toutes ou la plupart des caractéristiques épithéliales), entièrement mésenchymateux (état plein M; présentant toutes ou la plupart des caractéristiques mésenchymateuses), partiellement épithélial (état E partiel; présentant certaines caractéristiques épithéliales au-dessus du minimum mais ne remplissant pas les critères pour être classé comme un état M), et partiellement mésenchymateux (état partiel-M; ne répondant pas à l’exigence minimale d’un épithélium, mais ne présentant pas non plus de caractéristiques complètes M). De même, les transitions entre deux états du plein-E au plein-M peuvent être considérées comme un EMT complet ou partiel, selon les points de début/fin d’une transition donnée dans une étude. La multitude d’états intermédiaires (qui peuvent être stables ou partiellement stables) est appelée spectre EMT (Nieto et al., 2016).
Plusieurs processus et modèles de développement ont longtemps été utilisés pour les études sur l’EMT. Ceux-ci incluent la gastrulation (Bardot et Hadjantonakis, 2020; Keller et al., 2003; Nakaya et Sheng, 2008), la formation des crêtes neurales (Ahsan et al., 2019; Piacentino et al., 2020; Shellard and Mayor, 2019), la somitogenèse (Kalcheim et Ben-Yair, 2005; Nakaya et al., 2004; Pourquie, 2018; Takahashi et al., 2005) et la formation des valves cardiaques (von Gise et Pu, 2012).

(A–E) Images montrant l’épiblaste uniforme 6 heures (A, stade EG&K XII) et juste avant la formation de la ligne primitive (B, stade EG&K XIV), la première apparition de la ligne primitive (C, stade HH2), accumulation de mésoderme sous la ligne primitive (D, stade HH3), apparition d’un sillon dans la ligne primitive et émigration du mésoderme (E, stade HH3+). (F-K) Microscopie électronique à balayage d’embryons fracturés avant (F-H) et après (I-K) formation de la ligne primitive. Les flèches blanches indiquent une EMT possible avant la formation de la ligne primitive. (L–P) Microscopie électronique à balayage de ligne primitive fracturée, montrant des cellules en EMT avec divers degrés de constriction apicale et d’expansion basolatérale (classées comme « stades d’entrée 1 à 5 »). (Q) Cet embryon a été cultivé pendant 1 heure après électroporation d’un morpholino fluorescent témoin dans tout l’épiblaste au stade XI, puis sectionné sagittalement et visualisé sous fluorescence. Les cellules marquées dans l’épiblaste présentent des morphologies similaires à celles des images de microscopie électronique (panneaux L-P, « stades d’entrée 1 à 5 »). (R) Cet embryon a été cultivé pendant 4 heures après électroporation d’un morpholino fluorescent témoin dans tout l’épiblaste au stade XI, puis fixé (au stade XII), sectionné sagittalement et coloré avec un anticorps anti-fluorescéine (marron). La coupe montre plusieurs cellules qui ont quitté l’épiblaste et se trouvent maintenant dans l’espace sous-jacent dans toute l’étendue antéro-postérieure de l’embryon (flèches). Source : https://elifesciences.org/articles/01817
Au cours de l’EMT de la gastrulation des Amniotes, la lame basale à la base de l’épiblaste se décompose (Ramkumar et al., 2016; Voiculescu et al., 2014) sous l’action des protéines MMP (métalloprotéases matricielles caractérisées par un site catalytique avec ion Zn2+ lié à trois histidines). Les cellules de l’épiblaste qui passent par la ligne primitive perdent leur polarité apico-basale en détruisant leurs jonctions serrées et adhérentes ce qui leur permet de se détacher de l’épithélium.
De très nombreuses voies de signalisation convergent pour activer l’EMT et concentrent leur contrôle sur un petit nombre de facteurs de transcription qui coordonnent l’EMT à l’échelle cellulaire et moléculaire.

Bien que diverses voies de signalisation puissent réguler l’EMT en fonction du contexte cellulaire, l’activation des répresseurs transcriptionnels des familles Snail, Twist et Zeb est une étape précoce largement conservée. Au cours de l’EMT, les protéines à doigt de zinc Snail et Slug, transcrits respectivement à partir des gènes Snai1 et Snai2, répriment directement la transcription des gènes impliqués dans le phénotype épithélial, notamment les composants des protéines des jonctions serrées et d’adhérence telles que l’E-cadhérine.

BILAN DE L’EMT

La compréhension du contrôle des EMT est crucial pour comprendre la formation de métastases à partir de tumeurs in situ. On retrouve de nombreux facteurs découverts en embryologie qui jouent un rôle lors de la progression des tumeurs.

Dans les cellules cancéreuses humaines, les états mésenchymateux et épithéliaux sont induits et maintenus par des programmes de régulation transcriptionnels et post-transcriptionnels. Ces programmes sont contrôlés par la régulation par rétroaction entre les facteurs de transcription OVOL et ZEB1, inducteurs critiques de MET et EMT respectivement. De plus, ces facteurs de transcription contrôlent l’expression d’ESRP1, un régulateur de l’épissage crucial pour le MET et réprimé dans l’EMT. Par conséquent, un niveau d’OVOL élevé et un niveau de ZEB1 faible stabilisent l’état épithélial en diminuant l’invasion des cellules cancéreuses et les métastases, et inversement pour l’état mésenchymateux. Source : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0076773
Les migrations cellulaires
VIDEO 2 :
La migration cellulaire est essentielle lors de l’embryogenèse afin de gastruler, d’allonger l’axe des vertébrés et de distribuer les cellules dans l’embryon pour contribuer au développement des organes. La complexité du microenvironnement embryonnaire signifie que les cellules en migration doivent changer rapidement leur forme, développer des protubérances qui pénètrent dans des espaces de différentes tailles, parcourir des environnements où les signaux envoyés par les autres cellules et la matrice extracellulaire (MEC) sont différents.
Les modes de migration cellulaire individuelle et collective diffèrent largement en fonction des exigences fonctionnelles spécifiques des cellules et des tissus, ainsi que de l’environnement à travers lequel les cellules doivent migrer. Comment naviguer dans des microenvironnements complexes avec des barrières à la migration ? Comment comprimer le corps cellulaire et en particulier le noyau volumineux et souvent peu compressible à travers la MEC et les pores des tissus ? Et comment coordonner la migration de groupes de cellules dans la migration cellulaire collective ? Pour faire face à ces défis, les cellules doivent détecter, contourner et/ou briser les barrières de la MEC tout en maintenant les interactions nécessaires avec les tissus environnants et, comme c’est le cas pour la migration collective, les autres cellules d’un groupe.
Comme dit plus haut lors de la partie sur les EMT, il ne faut pas avoir une image trop caricaturale : cellules épithéliales = immobile, cellule mésenchymateuse = mobile. Des cellules épithéliales peuvent migrer collectivement à la suite d’un processus nommé récemment « unjamming transition » que l’on pourrait traduire par transition de déblocage ou de libération (de Marzio et al., 2021).

Dans les cellules migrantes, les microfilaments d’actine forment de longues structures parcourant une bonne partie du cytoplasme et accrochés à la membrane plasmique et, indirectement, à la MEC par les points focaux d’adhérence. Ces fibres sont appelés fibres de tension ou fibres de stress. Les microfilaments sont accrochés entre eux par de l’ α-actinine pour former une fibre. Les fibres de tension peuvent être associées à la myosine-II non musculaire ce qui permet le déplacement de la cellule (Burridge et Wittchen, 2013).
La régulation dynamique de la signalisation d’adhésion est importante pour que la motilité cellulaire se produise. La tyrosine kinase FAK agit comme un nœud de signalisation au niveau des points focaux d’adhérence pour favoriser la réorganisation continuelle du cytosquelette que nécessite la migration. FAK régule la motilité cellulaire initiée par les intégrines et les récepteurs de facteurs de croissance. La liaison du ligand à une intégrine associée à FAK provoque l’autophosphorylation de FAK au niveau du résidu Tyr397. Cela révèle un motif de liaison pour les protéines contenant le domaine SH2 telles que Src, qui phosphoryle davantage FAK sur Tyr861, Tyr925, Tyr576 et Tyr577.


La polarisation des cellules en un front protrusif et un dos rétractile est la caractéristique déterminante de la migration de type mésenchymateux. Fait intéressant, un certain nombre d’études ont rapporté que les ARNm des protéines ribosomiques (RP) peuvent fortement se localiser sur les fronts protrusifs de certaines cellules de type mésenchymateux (Mardakheh et al., 2015 ; Mili et al., 2008 ; Wang et al., 2017). C’est logique car des protéines essentielles sur le front de migration sont traduites sur place au plus près de leur localisation finale. C’est le cas notamment de la β-actine.
La traduction de la β-actine se fait au plus proche des structures qui en ont besoin.
Dynamique en temps réel de l’ARNm de la β-actine dans une cellule en migration. La technique de marquage MS2-GFP (MS2 est une protéine qui a une forte affinité pour les ARN et que l’on peut cibler sur un ARNm particulier) a été utilisée pour visualiser l’ARNm endogène de la β-actine. La carte des couleurs montre l’intensité de fluorescence représentant la concentration d’ARNm de β-actine (Hye Yoon Park and Robert H. Singer, Albert Einstein College of Medicine).
La localisation des ARNm de protéines ribosomiques (RP) dépend de LARP6. Sa présence entraîne une activation de la synthèse de RP, conduisant à une amélioration de la biogenèse des ribosomes et à une capacité de synthèse des protéines accrue requise pour soutenir la migration et la prolifération importante de cellules mobiles. Dans les carcinomes mammaires humains, une expression plus élevée de LARP6 est associée aux sous-types invasifs de type mésenchymateux. La transition épithélio-mésenchymateuse induit l’expression de LARP6, qui agit pour promouvoir la synthèse des protéines afin d’améliorer la prolifération et l’invasion des cellules malignes.
La partie la plus à l’arrière de la cellule en migration peut s’allonger et quelque fois se détacher.
Quand il n’y a pas détachement, la membrane plasmique postérieure peut être « recyclée » vers l’avant, par endocytose puis transport vésiculaire.

Diversité des modes de migration
Les cellules présentent différentes manières de migrer : de manière isolée ou collective.

Une cellule isolée en migration est une cellule polarisée avec une protrusion membranaire à l’avant, suivie de forces de poussées. Puis à l’arrière du noyau, des forces contractiles et la rétraction membranaire.
La migration amiboïde présente des protrusions membranaires très larges, sans présence de filopodes, ni de fibres de tension d’actine, ni de points focaux d’adhérence tandis que la migration mésenchymateuse présente un ou plusieurs lamellipodes ponctués de filopodes, des fibres de tension d’actine reliés à des points focaux d’adhérence. A la place des fibres de tension, les cellules en migration amiboïde ont un réseau d’actine sous la membrane plasmique à l’arrière de la cellule. La migration amiboïde est rapide (de l’ordre de 10 µm par seconde) tandis que la migration mésenchymateuse est plus lente (moins de 1 µm par seconde).
Les cellules peuvent migrer individuellement mais aussi en groupe. Dans la vidéo ci-dessous on peut observer la migration de cellules MDCK, des cellules rénales de chien. Les cellules migrent ensemble (et sont parcourues par des vagues d’activité de la kinase ERK mises en évidence par un biosenseur EKAREV-NLS) (Hino et al., 2020) :
Les repères directionnels pour une migration collective orientée sont perçus par les cellules à l’avant appelées cellules leader puis transmis vers les cellules plus en arrière via des forces mécaniques transmises via des jonctions cellule-cellule (Omelchenko et al., 2003, Yamaguchi et al., 2015; Tambe et al., 2011). Les cellules en arrière peuvent aussi transmettre des informations vers les cellules leader via des tensions mécaniques transmises par l’adhérence cellulaire (mécanotransduction) (Boutillon et al., 2022).
La formation des lamellipodes et des filopodes
C’est la polymérisation de l’actine qui est le principal moteur de la formation des lamellipodes. Ces expansions cellulaires peuvent faire jusqu’à 200 nm d’épaisseur répartis sur jusqu’à plusieurs dizaines de µm le long de l’avant de la cellule.
Les microfilaments d’actine constituant le lamellipode sont orientés avec leurs extrémités barbelées (+) à croissance rapide dirigées vers l’extérieur.

Le complexe Arp2/3 est constitué de 7 sous-unités et est associé aux microfilaments d’actine au niveau du lamellipode.

dans les lamellipodes d’un kératocyte de xénope en migration. Immunofluorescence de Arp2/3 (a) et de l’actine (b) puis addition des deux colorations (c). Source : https://rupress.org/jcb/article-pdf/145/5/1009/1285979/9903075.pdf
La suppression des composants du complexe Arp2/3 par ARN interférence (ARNi) ou la séquestration du complexe dans le cytosol inhibe la formation de lamellipodes (Kunda et al, 2003; Steffen et al, 2006). Arp2/3 contribue à générer des nouveaux microfilaments en les branchant sur des filaments préexistants ce qui permet d’expliquer l’aspect en maille du réseau d’actine dans les lamellipodes. De nouveaux microfilaments branchés se forment à l’avant tandis que les plus anciens se désassemblent à l’arrière, comme dans un tapis roulant. C’est la cofiline qui est responsable du désassemblage à l’arrière qui permet de rendre à nouveau disponible des monomères d’actine G pour la polymérisation à l’avant (Carlier et al, 1999; Ghosh et al, 2004; Hotulainen et al, 2005).

L’activation du complexe Arp2/3 dans les lamellipodes est médiée par le complexe WAVE (Stradal et al, 2004) et par les protéines de la famille WASP.
La formation des lamellipodes est aussi sous le contrôle de la petite GTPase Rac qui active les protéines de la famille WASP qui activent ensuite Arp2/3. La formation des filopodes est en revanche sous le contrôle de la petite GTPase Cdc42 tandis que les fibres de tension de l’actine sont mises en place sous l’action de la petite GTPase Rho qui active ROCK (laquelle augmente l’activité de la myosine II) et qui active les formines. Il y a donc une répartition des rôles des 3 GTPases, Rac, Cdc42 et Rho. Il peut y avoir des antagonismes : Rac active PAK qui inhibe l’activité de la myosine II associée aux fibres de tension d’actine. Ce mécanisme assure que les fibres de tension se forment à l’arrière, à une certaine distance du lamellipode.



Comme effecteurs des GTPases de la famille Rho citons aussi les protéines mDia, qui font partie des formines. Les formines mDia sont des protéines conservées au cours de l’évolution qui initient, allongent et, dans certains cas, regroupent les filaments de F-actine qui forment les filopodes, les lamellipodes et les ruffles (des ondulations de la membrane plasmique caractéristiques de l’avant des cellules en migration). mDia2 contrôle aussi la stabilité des points focaux d’adhérence durant la migration collective de cellules épithéliales (Gupton et al., 2007).

Tout aussi importante que la polymérisation des microfilaments d’actine, la dépolymérisation de ces microfilaments est essentielle pour le dynamisme nécessaire à la migration et pour que des monomères actine G puissent être remobilisés ailleurs. La protéine POD-1 chez C. elegans est un exemple de protéine qui débranche les microfilaments branchés formés par Arp2/3 (Xie et al., 2021). En absence de POD-1, les cellules embryonnaires de C. elegans ont de graves défauts de polarisation et de migration.

Parmi les paramètres importants pour la migration, citons la directionalité du mouvement, ou la capacité pour des cellules à maintenir un cap. Prenons un exemple pour montrer que ce paramètre est crucial. β-Pix (Arhgef7) est une GEF des GTPases Rac1 et Cdc42 qui se localise sur les points focaux d’adhérence. Les embryons de souris mutantes nulles β-Pix arrêtent leur développement avant E8.0 et ne parviennent pas à spécifier un axe corporel antéro-postérieur car β-Pix est requis pour la migration épithéliale collective des cellules de l’AVE (endoderme viscéral antérieur) et aussi du mésoderme. Etudions la migration de cellules d’explants du mésoderme plus en détail :

On constate que la vitesse de migration est plus élevée dans des cellules sans β-Pix mais la persistance de la migration dans une direction donnée n’est pas assurée générant des défauts majeurs au cours de la gastrulation (Omelchenko et al., 2020). Des expériences complémentaires ont montré que β-Pix interagit avec Scribble et ensemble, ces protéines contrôlent la polarité cellulaire et l’activité de Cdc42 (Zaritsky et al., 2017).
POUR D’AUTRES INFOS SUR L’EMT ET LA MIGRATION, VOIR LE CHAPITRE SUR LES CELLULES DE CRETES NEURALES
LA CARTE MENTALE :

EN DIRECT DES LABOS : Rétroaction mécanique lors de la formation de protrusions cellulaires.
QUELQUES EQUIPES FRANCOPHONES QUI TRAVAILLENT SUR LE SUJET :
Dynamique du cytosquelette et motilité – I2BC, Université Paris-Saclay
- Adhérence cellule-cellule
- Arabidopsis thaliana
- Axe antéro-postérieur chez la drosophile
- Caenorhabditis elegans
- Concepts principaux
- Contrôle de la traduction
- Contrôle de la transcription
- Contrôle génétique
- Croissance et guidage axonal
- Des modèles animaux moins classiques
- Développement et évolution
- Et l’Humain ?
- Exercices sur l’ovogenèse, la spermatogenèse et la fécondation
- Exercices sur le contrôle de l’expression des gènes
- Exercices sur le développement des bourgeons de membre
- Exercices sur le développement des muscles striés squelettiques
- Exercices sur les cycles et les divisions cellulaires
- Exercices sur les étapes du développement, les inductions embryonnaires et la mise en place des axes de polarité
- Exercices sur les matrices extracellulaires, le cytosquelette et les adhérences cellule-cellule
- Exercices sur les voies de signalisation
- Glossaire
- Hématopoïèse et développement des cellules du système immunitaire
- Histoire de la biologie cellulaire et de la biologie du développement
- L’acide rétinoïque
- L’apoptose
- L’organogenèse
- L’ovogénèse prépare le développement embryonnaire
- La drosophile
- La famille TGFβ et ses voies de signalisation
- La fécondation
- La formation des somites
- La gastrulation
- La métamorphose chez les Hexapodes et les Amphibiens
- La neurogénèse chez les mammifères adultes
- La neurulation
- La poule
- La souris
- La voie de signalisation de l’auxine et ses rôles
- La voie de signalisation Hedgehog
- La voie de signalisation Hippo et ses composants YAP/TAZ
- La voie de signalisation Notch
- Le clivage
- Le cytosquelette
- Le destin des cellules et les réseaux de régulation génique
- Le développement des bourgeons de membre
- Le développement des muscles striés squelettiques
- Le développement des organes génitaux et des cellules germinales
- Le développement du cortex
- Le méristème apical caulinaire en phase végétative et lors de la formation d’une fleur
- Le poisson zèbre
- Le xénope
- Les cellules des crêtes neurales
- Les cellules et les gènes en action dans le développement
- Les cellules souches
- Les cellules tumorales
- Les cycles et les divisions cellulaires
- Les étapes du développement
- Les étapes du développement embryonnaire d’Arabidopsis thaliana et leur contrôle
- Les inductions embryonnaires et les gradients de morphogène
- Les matrices extracellulaires animales
- Les organismes modèles
- Les outils pour étudier l’expression et la fonction des gènes
- Les techniques et les outils pour la biologie cellulaire
- Les vésicules extracellulaires
- Les voies de signalisation
- Les voies de signalisation FGF
- Mise en place des axes chez les Vertébrés
- Structures et processus cellulaires
- Voies de signalisation WNT