Croissance et guidage axonal

Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay

La croissance et le guidage des axones sont des étapes essentielles pour la mise en place des réseaux neuronaux. L’identité d’un neurone dépend fondamentalent à quelle cible il est connecté. Les axones ont une épaisseur comprise entre 0,1 et 15 µm mais peuvent avoir une longueur qui dépasse le mètre, ce qui implique un important contrôle de leur croissance sur un trajet qui peut être très long. L’étude de ces processus peut être aussi utile pour pouvoir stimuler la régénération axonale après une blessure.

  1. Rôle du cytosquelette
  2. Une intégration de signaux attractifs et répulsifs
    1. Un exemple classique : les neurones commissuraux lors du développement de la moelle épinière
  3. Traduction locale et stabilité protéique dans les cônes de croissance
  4. La mise en place des ramifications

Rôle du cytosquelette

Les signaux qui contrôlent croissance et guidage des axones activent des cascades de signalisation qui mènent très souvent à des modifications du cytosquelette. Le guidage axonal peut être considéré comme un cas particulier de migration avec le corps cellulaire qui ne bouge pas et seulement l’avant de l’axone qui se déplace (cône de croissance). C’est pourquoi on trouve de nombreuses structures cellulaires ou acteurs moléculaires en commun entre croissance axonale et migration cellulaire (dont le cytosquelette et les protéines associées).

L’extrémité des axones forme des cônes de croissance, soutenus par un réseau dynamique de microfilaments et de manière plus limitée, de microtubules. La polymérisation et la dépolymérisation cycliques des filaments d’actine dans le cône de croissance sont nécessaires pour générer la force mécanique qui provoque l’allongement axonal. Les cones de croissance présentent une structure similaire aux lamellipodes des cellules migrantes avec également des filopodes.

**Organisation des microtubules, des protéines associées (MAP) et des microfilaments d’actine dans les axones et les dendrites. Dans les axones, les microtubules (MT) forment des faisceaux stables et polarisés, qui assurent l’intégrité structurelle des axones et servent de « rails » pour guider les protéines motrices dépendantes des MT. Les MT axonales sont stabilisées par plusieurs MAP dont Tau, MAP1B et DCX. Le cône de croissance contient un ensemble de MT stables et dynamiques, qui sont essentiels pour l’avancement du cône de croissance d’un axone en développement. Les microfilaments d’actine sont particulièrement abondants dans le cône de croissance où ils dirigent le développement de prolongements de type filopode qui explorent l’environnement. Source : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fncel.2018.00165/full

La stabilisation des microfilaments d’actine dans les filopodes est un élément essentiel qui va faire « tourner » le cone de croissance vers un signal attractif. Les microtubules locaux doivent aussi être stabilisés car leur fonction de « rails » pour le transport permet d’apporter les éléments nécessaires à la reponse du cone de croissance à son environnement. L’importance de la stabilisation des microtubules est aussi montrée par le fait que de faibles doses de molécules stabilisatrices comme le taxol ou les épothilones facilitent la régénération axonale et la restauration fonctionnelle dans un modèle de blessure à la moelle épinière chez le rat. L’inhibition de la fidgétine qui est une enzyme qui détruit les microtubules a le même effet (Matamaros et al. 2019).

Les deux réseaux cytosquelettiques sont coordonnés par des protéines comme la Formine-2 qui stimule la polymérisation de l’actine, tout en stabilisant les microtubules dans les cones de croissance. La Formine-2 y interagit à la fois l’actine et avec les tubulines et cette interaction est importante pour des changements de direction des cones de croissance (Kundu et al., 2021). Des mutations perte-de-fonction du gène codant la Formine-2 sont associées à des retards mentaux et des déficiences sensoriels, probablement en association avec cette fonction coordinatrice (Law et al., 2014, Marco et al., 2018).

*Réseaux de microfilaments et de microtubules dans un filopode d’un cone de croissance. La Formine-2 (Fmn2) fait le lien entre les deux réseaux. Source : https://journals.biologists.com/jcs/article/134/13/jcs252916/270838/Coupling-of-dynamic-microtubules-to-F-actin-by

La croissance axonale ne doit pas non plus être trop excessive car les axones ne doivent pas « dépasser » leurs cibles et ne pas former trop de branchements. Par exemple, la protéine Efa6 inhibe la formation des microtubules et est nécessaire à ce que les axones aient une bonne longueur (Qu et al., 2019).

*Efa6 régule la longueur des axones dans des cultures de neurones primaires de drosophile.
Exemples de neurones primaires de drosophile cultivés 6 heures in vitro (A–C), observés en immunofluorescence pour l’actine (magenta) et la tubuline (vert) ; les neurones sont soit des témoins de type sauvage (A), soit déficients en Efa6 (B), soit exprimant Efa6-FL :: GFP ce qui correspond à une surexpresssion (C) ; les astérisques indiquent les corps cellulaires, les flèches pointent vers les extrémités des axones ; Barre d’échelle en C = 10 µm. Quantification des longueurs d’axones (D). Les différents génotypes sont codés par couleur : gris, témoins de type sauvage ; bleu, différentes conditions de perte de fonction Efa6 ; vert, neurones surexprimant Efa6. Source : https://elifesciences.org/articles/50319

En amont des éléments du cytosquelette et tout particulièrement des microfilaments d’actine, on retrouve les petites GTPases Rho, Rac et Cdc42. Récemment, une forme photoactivable de Rac a pu être exprimée in vivo dans des cônes de croissance de motoneurones de poisson-zèbre et la croissance des axones correspondants a pu être contrôlé par la lumière. La photoactivation de Rac a même permis de surmonter des signaux repulsifs et de faire passer des axones par des régions où ils ne peuvent pas pénétrer habituellement (Harris et al., 2020).

Une intégration de signaux attractifs et répulsifs

Les cônes de croissance peuvent recevoir des instructions attractives ou répulsives :

  • par paracrinie (ligands solubles) : par exemple, la nétrine-1, agissant par l’intermédiaire des récepteurs de la famille DCC, favorise la croissance des axones et médie l’attraction; les protéines Slit, d’autre part, sont des signaux répulsifs qui agissent à travers les récepteurs de la famille Robo (Robo1 et Robo2; Notez que Robo3 est une forme particulière qui ne se lie pas à Slit et qui agit comme un dominant-négatif sur les 2 autres récepteurs Robo, c’est-à-dire qu’il inhibe la répulsion (Sabatier et al., 2004)).
  • par juxtracrinie (ligands transmembranaires) : Par exemple, les interactions impliquant les éphrines.
**Structure des éphrines et de leur récepteur Eph. Leur interaction constitue une communication juxtacrine. . Un récepteur Eph a trois régions distinctes : la région extracellulaire constituée d’un domaine de liaison au ligand (LBD), d’un domaine riche en cystéine (CRD) et deux domaines de type fibronectine-III (FN1 et FN2), le région transmembranaire (TMD) et la région intracellulaire constituée de la région membranaire juxta (JM), du domaine kinase (KD), du motif alpha stérile (SAM) et un motif de liaison PDZ (PDZ BM). Les ligands ephrinA sont ancrés à la membrane par glycophosphatidylinositol (GPI) et ephrinB est transmembranaire. Le terme de ligand et de récepteur est communément utilisé mais la signalisation se fait dans les deux sens entre les deux cellules interactantes. Source : https://www.mdpi.com/1422-0067/22/16/8593/htm
**La formation de la carte rétinotopique est régulée par les interactions des gradients d’éphrine A/EphA. Pour préserver l’information spatiale reçue dans la rétine (cercle jaune), les axones des cellules ganglionnaires rétiniennes (RGC) se projettent vers la zone terminale (TZ, cercle bleu) de leur cible (ovale violet) de façon topographique pour former la carte rétinotopique . Chez les mammifères, la cible est le colliculus supérieur (SC), alors que chez le xénope, le poussin et le poisson zèbre, c’est le tectum optique (OT). La carte rétinotopique se forme via l’interaction répulsive de l’éphrine A, qui est exprimée dans la structure cible, et des récepteurs EphA, qui sont exprimés sur les axones RGC en croissance. Comme le montrent les gradients de gauche, les EphA sont exprimées dans un gradient nasal-temporal (N-T) croissant dans la rétine, tandis que les ligands d’éphrine A sont exprimés dans un gradient antéro-postérieur (A-P) croissant dans la cible. D’autres gradients de signalisation, y compris la signalisation inverse de l’éphrine A/EphA (côté droit), ainsi que l’éphrine B/EphB (en haut et en bas), sont également présentés ici et contribuent à la ramification des axones RGC. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/138/2/183/44798/Developmental-regulation-of-axon-branching-in-the

Les sémaphorines sont également impliquées dans le guidage axonal par juxtacrinie, même si certaines formes peuvent être secrétées et participer à la signalisation paracrine. Elles peuvent en effet être transmembranaires, ou associées à la membrane par une queue de glycosylphosphatidylinositol (GPI) mais aussi solubles.

**Structure des différentes sémaphorines chez les Mammifères. Source : https://www.nature.com/articles/ejhg2015211

Les sémaphorines se lient aux protéines transmembranaires plexines et neuropilines. La signalisation activée par les sémaphorines au cours du développement est fondamentale pour la formation et l’organisation des circuits neuronaux. En effet, son dérèglement est lié à des maladies du développement du système nerveux telles que l’autisme et la schizophrénie (Gilabert-Juan et al., 2015, Mosca-Boidron et al., 2015).

Prenons un exemple avec un ligand soluble (paracrinie). Nell2 (neural epidermal growth factor (EGF)-like-like 2, initialement identifiée chez le poussin et nommée « Nel ») est une glycoprotéine extracellulaire qui présente des similitudes structurelles avec la thrombospondine 1 et qui est principalement exprimée dans le système nerveux. Nell2 est exprimé dans la région dorso-médiale du dLGN, qui correspond au territoire du thalamus recevant les axones RGC ipsilatéraux (c’est-à-dire dont le corps cellulaire est du même côté (côté droit par exemple)). Des analyses de traçage d’axones in vivo ont montré que le régionalisation spécifique de la projection des RGC est perturbée chez les souris Nell2 knock-out (Nell2−/−) : les axones RGC controlatéraux envahissaient anormalement le domaine ipsilatéral du dLGN, alors que les axones ipsilatéraux se terminaient par des plaques partiellement fragmentées, formant ainsi un motif en mosaïque de zones de terminaison d’axones controlatéraux et ipsilatéraux. In vitro, Nell2 induit un effondrement du cône de croissance et provoque une répulsion dans les axones RGC controlatéraux, mais pas ipsilatéraux. Cette inhibition spécifique de l’axone controlatéral a été observée à la fois dans les RGC de type sauvage et Nell2-/-. Ces résultats prouvent que Nell2 agit comme une molécule de guidage inhibitrice spécifique des axones RGC controlatéraux et les empêche d’envahir le territoire ipsilatéral du dLGN (Nakamoto et al., 2019).

*Nell2 inhibe la croissance des axones et induit l’effondrement du cône de croissance spécifiquement dans les RGC à projection controlatérale. (A-E) Tests de croissance axonale. Des explants de rétine ventrotemporale (VT ; contenant des RGC à projection ipsilatérale) (A, C) et ventronasale (VN ; RGC à projection contralatérale) (B, D) ont été préparés à partir d’embryons de souris E15.5 et cultivés pendant 72 h sur un substrat enduit de Nell2-AP (AP est un tag alcaline phosophatase) (A, B) ou AP (C, D), et la croissance des axones a été quantifiée (E) (n = 4 pour chaque condition). Nell2-AP a significativement inhibé la croissance des axones rétiniens VN (contralatéraux) mais pas VT (ipsilatéraux). Barres d’échelle : 100 μm. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/146/4/dev170704/49006/Nell2-regulates-the-contralateral-versus

Un même récepteur peut être capable d’intégrer des signaux attractifs et répulsifs. Néogénine (NEO1), un récepteur à un domaine transmembranaire de la superfamille des Ig, est capable de se lier à la Nétrine-1 (qui est généralement attractrice) et à RGM (qui est répulsive). L’interaction RGM/NEO1 aboutit à l’activation de la petite GTPase Rho et à la rétraction du cône de croissance. En présence des 2 ligands, il se forme un trimère Nétrine-1/RGM/NEO1 ce qui a pour conséquence d’inhiber les effets de chacun des ligands (Robinson et al., 2021).

Les facteurs attracteurs ou répulsifs peuvent agir sur les interactions cône de croissance-matrice extracellulaire (MEC) qui sont importants pour la croissance et le guidage axonal. Par exemple, la Sémaphorine-3A (sema3A) qui agit via des récepteurs Neuropiline/Plexine peut diminuer l’état d’activation de l’intégrine β1 (c’est-à-dire diminuer ses capacités à interagir avec la MEC) et promouvoir le désassemblage des points focaux d’adhérence contenant la paxilline (Bechara et al., 2008). Ces points focaux sont des éléments essentiels de la motilité où la cellule prend appui sur la MEC pour avancer. Leur désassemblage constitue donc un frein majeur à la croissance axonale dans une région où il y a de la Sémaphorine-3A.

*La présence de Sémaphorine-3A aboutit à la disparition des points focaux d’adhérence contenant de la paxilline. Des cultures primaires de neurones corticaux de souris nouveaux nés sont mis en présence ou non (cont) de Sémaphorine-3A pendant 20 minutes. Puis après fixation, une coloration phalloïdine-RFP (rouge) permettant de mettre en évidence les microfilaments d’actine et une immunofluorescence anti-paxilline (vert) est effectuée. Source : https://www.embopress.org/doi/full/10.1038/emboj.2008.86

Les molécules intervenant dans la polarité planaire (PCP) peuvent également intervenir :

* soit de manière cellulaire-autonome comme dans le cas des neurones commissuraux où Frizzled3 et Vangl2 (deux membres de la voie Wnt/PCP) sont nécessaires dans les axones pour qu’ils tournent antérieurement après avoir atteint la région médiane sagittale (Lyuksyutova et al., 2003; Schafer et al., 2011)

*Voie Wnt/PCP et guidage axonal. Représentation de la distribution asymétrique de Frizzled3 (Fzd3) dans les cônes de croissance en raison de la localisation asymétrique de Vangl2 au niveau des filopodes. Ici, Vangl2 favorise l’endocytose de Fzd3 et la signalisation PCP dans certains filopodes pour assurer une signalisation asymétrique dans le cône de croissance en réponse aux gradients Wnt. Source : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fcell.2021.692888/full

* soit de manière non cellulaire-autonome où c’est l’environnement des axones en croissance qui doit avoir une polarité planaire correcte (cas des axones des neurones du ganglion spiral de type II dans la cochlée) (Ghimire et al., 2018).

*Un défaut de polarité cellulaire planaire (PCP) dans l’environnement des neurones du ganglion spiral de type II dans la cochlée affecte le trajet de leurs axones. Le gène contrôlant la PCP Vangl2 a été délété spécifiquement dans les cellules cochléaires grâce au système Cre/Lox sous le contrôle du promoteur de Emx2. Le trajet des axones (où Vangl2 n’est pas délété) est suivi grâce à une immunofluorescence anti-NF200. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/145/12/dev159012/48441
Un exemple classique : les neurones commissuraux lors du développement de la moelle épinière

Par définition, les neurones commissuraux ont leur axone qui passe du côté contralatéral. La classe la plus dorsale des neurones commissuraux de la moelle épinière, les neurones dI1, a été largement étudiée en ce qui concerne le guidage de leur axone vers la région la plus ventrale du tube neural : la plaque du plancher. Ces axones traversent ensuite la ligne médiane et tournent vers l’avant à la sortie de la plaque du plancher du côté controlatéral. Pour cette population particulière d’axones, des molécules de guidage et des récepteurs contrôlant toutes les étapes de ce processus de navigation ont été identifiés et comprennent des attractifs et des répulsifs à longue portée, ainsi que des éléments de guidage à courte portée.

*Guidage axonal des neurones commissuraux dans la moelle épinière en développement. Le schéma de gauche indique les trois étapes de la détermination du chemin des axones commissuraux : (1) extension vers la plaque du plancher ; (2) franchissement de la ligne médiane ; et (3) virage vers les régions antérieures. Les mécanismes moléculaires impliqués dans les trois étapes sont résumés à droite. Aux premiers stades (1), les axones commissuraux (bleu) sont subdivisés en six sous-populations dorsales (dI1-dI6) et étendent leurs axones vers la plaque du plancher. Ils sont guidés par des répulsifs dérivés de la plaque de toit (rouge ; BMP7 et Draxin). De plus, la plaque du plancher exprime des molécules attractives à longue portée : nétrine, Shh et VEGF. La nétrine dérivée de la plaque du plancher (vert foncé), mais pas des cellules précurseurs de la zone ventriculaire ventrale (vert clair), est indispensable pour la croissance des axones commissuraux jusqu’à la plaque du plancher. Une fois que les cônes de croissance dI1 ont atteint la plaque du plancher (2), ils y pénètrent à la suite de l’interaction de Cntn2 exprimé par le cône de croissance avec NrCAM dans la plaque du plancher (non illustré). L’activation de l’expression de Robo1 assure alors le croisement de la plaque du plancher et les axones sont expulsés de cette région par les interactions Slit-Robo1. De plus, l’interaction cis entre la plexine A2 et Sema6B sur les axones de pré-croisement empêche la réactivité aux sémaphorines répulsives de classe 3 (Sema3) exprimées par la plaque du plancher; cette interaction cis n’existe plus sur les axones post-croisement, où la plexine A2 forme maintenant un complexe avec la neuropiline 2 (Npn-2), rendant ainsi les axones post-croisement sensibles à la répulsion par Sema3. Shh contribue également à l’induction de la réactivité médiée par Npn-2 aux sémaphorines de classe 3 (non illustré). En atteignant la bordure controlatérale de la plaque du plancher (3), les axones tournent rostralement (vers l’avant) en réponse à des gradients opposés de Wnt (qui a un effet attractif) et Shh (qui a un effet répulsif). Shh agit comme attractif pour les axones de pré-croisement exprimant les récepteurs Ptc et Boc, et induit l’expression de Hhip, son récepteur, sur les axones en post-croisement. En plus de son effet répulsif direct sur les axones post-croisement, Shh module l’activité Wnt en façonnant le gradient d’activité Wnt d’une manière dépendante de Sfrp et en régulant l’expression de surface de Fzd3 d’une manière dépendante de Shisa2. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/145/10/dev151415/48515/Understanding-axon-guidance-are-we-nearly-there

Traduction locale et stabilité protéique dans les cônes de croissance

La production locale de protéine par une traduction d’ARNm spécifiques transportés dans les cones de croissance est un élément essentiel.

*Ribosomes dans le cône de croissance d’un axone vu en microscopie électronique à transmission. PM = membrane plasmique. Source : https://elifesciences.org/articles/48718

Du reticulum endoplasmique est aussi transporté vers les cones de croissance et les ribosomes peuvent s’accrocher dessus pour la traduction de protéines transmembranaires ou sécrétées. Par exemple, dans les motoneurones en développement, la traduction locale aux cones de croissance est stimulée par des facteurs neurotrophiques comme le BDNF (qui agit via son récepteur TrkB) (Deng et al., 2021).

**Une stimulation par BDNF induit l’assemblage des ribosomes dans les cônes de croissance des motoneurones. (A) Images représentatives de cônes de croissance de motoneurones stimulés par le BDNF colorés en immunofluorescene anti-RPL24 (qui est une protéine de la sous-unité 60S des ribosomes) et anti-RPS6 (qui est une protéine de la sous-unité 40S des ribosomes). Quand il y a colocalisation, c’est que les 2 sous-unités sont ensemble (et sans doute participent à la traduction d’un ARNm). Le coefficient de Pearson sur la figure C permet d’estimer les colocalisations. En présence du bloqueur de polymérisation d’actine cytochalasine D, il n’y a plus de colocalisation induite par le BDNF. Les carrés blancs indiquent les régions d’intérêt montrées dans les images agrandies du cône de croissance sur la droite. Source : https://journals.biologists.com/jcs/article/134/22/jcs258785/273453/Dynamic-remodeling-of-ribosomes-and-endoplasmic

Des signaux attracteurs tels que la nétrine-1 (via le récepteur DCC), le BDNF (via le récepteur TrkB) et le NGF (via le récepteur TrkA) induisent la synthèse locale de composants cytosquelettiques tels que la β-actine (Leung et al. 2006, Willis et al. 2007, Yao et al. 2006). En revanche, des signaux répulsifs tels que Sema3A (via les récepteurs Nrp1/PlexinA) et Slit2 (via le récepteur Robo2) induisent la traduction de régulateurs négatifs du cytosquelette tels que RhoA et la cofiline, entraînant un effondrement du cône de croissance (Piper et al. 2006).

La synthèse mais aussi la dégradation des protéines est un paramètre important pour la croissance et le guidage axonal. Le système ubiquitine-protéasome permet de diminuer rapidement la quantité d’une protéine donnée dans le cone de croissance, ce qui permet de répondre rapidement à des signaux. Par exemple, une activité normale du protéasome dans les axones en croissance de cellules ganglionnaires rétiniennes est nécessaire pour que la nétrine puisse repousser ces axones (Campbell et Holt, 2001). L’ubiquitine ligase Cdh1-APC qui est connue pour jouer un rôle lors de la mitose (et notamment le déclenchement de l’anaphase) joue un rôle important dans la croissance axonale (Konishi et al., 2004). Elle agit non seulement dans le cone de croissance mais aussi dans le noyau où elle cible SnoN, un co-répresseur transcriptionnel (Stegmüller et al., 2006). SnoN stimule la croissance axonale dans les cellules granulaires du cervelet et donc l’action de Cdh1-APC module et limite la croissance axonale de ces neurones.

*Le co-répresseur transcriptionnel SnoN stimule la croissance axonale. Des cultures primaires de neurones du cervelet sont transfectées avec un vecteur contrôle U6 ou avec un vecteur permettant de synthétiser un ARNi inhibant l’expression de SnoN (U6/snon). La croissance des axones est suivie deux jours après la mise en culture et la transfection pendant 48 heures. Source : https://www.cell.com/neuron/fulltext/S0896-6273(06)00256-X

La mise en place des ramifications

La plupart des neurones développent plusieurs branches à partir de leurs axones uniques pour établir des connexions synaptiques à différentes destinations (Gibson et Ma, 2011 ; Kalil et Dent, 2014).

*Ramification des axones dans le système nerveux des vertébrés. En fonction de la morphologie, de la complexité et de la fonction, la ramification des axones est regroupée en trois classes dans cette revue : arborisation, bifurcation et formation collatérale. (A) L’arborisation se produit généralement dans la région cible (cercle bleu), où les structures ramifiées les plus élaborées sont générées par la formation de branches répétitives. (B) La bifurcation se produit également dans la partie terminale des axones, mais a tendance à générer deux branches filles qui se projettent vers des cibles (cercles bleus) dans des directions opposées. (C) Dans la formation collatérale, les branches filles poussent du milieu des axones, loin de l’extrémité des axones, et innervent des cibles qui sont généralement différentes des axones principaux (rectangles bleus contre cercles). Dans certains axones, une seule branche collatérale se forme (à droite), mais dans d’autres, plusieurs collatérales peuvent se former pour former des synpases avec des cibles similaires (à gauche). Structurellement, la formation collatérale pourrait être plus étroitement liée à la bifurcation des axones, car seules les branches de premier ordre sont générées. Les principales caractéristiques qui les distinguent sont les fonctions des branches filles et les angles entre la branche fille et l’axone principal. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/138/2/183/44798/Developmental-regulation-of-axon-branching-in-the

L’architecture ramifiée se forme en plusieurs étapes, notamment l’initiation, la maturation, la croissance, le guidage et l’élimination des branches, qui sont régulées par des signaux extracellulaires et des activités neuronales (Gibson et Ma, 2011). Les branches peuvent se remodeler par compétition (Lichtman et Colman, 2000 ; Schuldiner et Yaron, 2015) ou en réponse à des blessures (Kerschensteiner et al., 2004 ; Tuszynski et Steward, 2012). Étant donné que chaque branche a des besoins structurels et fonctionnels uniques, les branchements constituent des « points de décision » potentiels pour le transport axonal.