La voie de signalisation Hedgehog

par Patrick Pla, Université Paris-Saclay

Les protéines sécrétées par la famille Hedgehog (Hh) sont des morphogènes qui ont été initialement identifiés chez la drosophile. Chez la drosophile, Hh est co-responsable (avec Wingless) de la régionalisation lors de la segmentation embryonnaire (gène de polarité segmentaire) et du développement des disques imaginaux larvaires (Lee et al., 2016). Le gène tire son nom du fait que la larve ressemble à un hérisson avec une multitude de denticules pointus resserrés.

*Phénotype de la mutation Hedgehog chez la larve de drosophile. D’après https://en.wikipedia.org/wiki/Hedgehog_signaling_pathway#/media/File:Denticlebands.png

Chez les Vertébrés, il existe trois orthologues : Sonic Hedgehog (Shh), qui est essentiel par exemple pour le développement des membres et la polarité dorso-ventrale du tube neural (Briscoe et Thérond, 2013), Indian Hedgehog (Ihh) qui est essentiel pour le bon développement du squelette (St Jacques et al., 1999) et le rétrocontrôle des cellules intestinales différenciées sur les précurseurs intestinaux (Van Dop et al., 2009) et Desert Hedgehog (Dhh) qui a des fonctions importantes dans les cellules de Sertoli des testicules.

*Exemple d’action de Shh en tant que morphogène. Des explants de tube neuraux sont cultivés en présence de diverses concentrations de Shh et des immunomarquages sont ensuite réalisés avec des anticorps reconnaissant des protéines de différentes régions du tube neural selon l’axe dorso-ventral (à droite). Ces protéines spécifient différents types de neurones dans le tube neural. Plus Shh est concentré, plus il spécifie des neurones qui sont ventraux. D’après https://deepblue.lib.umich.edu/bitstream/handle/2027.42/62511/nature06347.pdf?sequence=1&isAllowed=y

Les protéines de la famille Hh sont modifiées par des ajouts lipidiques: un acide palmitique (acide gras saturé) sur leur région aminoterminale et un cholestérol attaché de manière covalente à leur région carboxyterminale (Pepinsky et al., 1998; Porter et al., 1996). Ces modifications lipidiques rendent les protéines Hh hydrophobes, ce qui leur confère une forte affinité pour les membranes cellulaires. Ces caractéristiques semblent quelque peu paradoxales pour les molécules de signalisation extracellulaires, et suggèrent l’existence de mécanismes de transport des protéines Hh dans l’espace extracellulaire gorgé d’eau. Néanmoins, elles jouent un rôle important dans la forme et l’étendue du gradient de la protéine, ce qui est essentiel pour un morphogène. Une forme mutée de Shh qui ne peut avoir du cholestérol attaché à sa région carboxyterminale diffuse trop vite et trop loin causant des malformations dans les bourgeons de membre par exemple, car le gradient de ce morphogène est plus étalé que normalement (Li et al., 2006).

Hh peut se propager en association avec des particules lipidiques extracellulaires (Greco et al., 2001), qui sont des particules de lipoprotéines (Panáková et al., 2005).

***Shh est sécrété sous des formes associées aux lipoprotéines et sans lipoprotéines.
Étude par centrifugation en gradient de densité puis analyse des fractions en western-blot de Shh humain sécrété par des cellules HeLa en l’absence ou en présence de sérum bovin fœtal (FBS). Les cellules HeLa transfectées avec un vecteur d’expression de Shh ont été cultivées dans un milieu sans sérum ou en présence de 10 % de FBS, et des volumes égaux de surnageants ont été analysés. Les couleurs indiquent les fractions correspondant aux lipoprotéines bovines de très basse, basse et haute densité (VLDL, LDL et HDL). En présence de sérum, Shh s’associe majoritairement avec les LDL. Source : https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1001505

Les particules de lipoprotéines permettent à Hh de se propager en fournissant un support auquel Hh peut se lier, protégeant ses régions hydrophobes lipidiques. Chez la drosophile, c’est la lipoprotéine Lipophorin (Lpp; également connue sous le nom d’apolipophorine) qui transporte Hh. Chez la larve, elle est principalement produite dans le corps adipeux (Palm et al., 2012) avant être libéré dans l’hémolymphe. La réduction du niveau total de Lpp circulante dans les larves en appauvrissant spécifiquement l’expression de Lpp dans le corps adipeux conduit à une diminution du mouvement intercellulaire de Hh. Ce traitement n’a pas provoqué de suppression générale de la signalisation Hh; au lieu de cela, seules les cibles Hh à longue portée ont été réduites.

Des mécanismes complémentaires peuvent agir en parallèle. En effet, Hh peut également être sécrété sur des vésicules extracellulaires (VE), ou transporté le long d’extensions cellulaires, appelées cytonèmes, afin de remplir sa fonction de régionalisation selon son gradient (Bischoff et al., 2013; Gradilla et al., 2014; Parchure et al., 2018).

Les cytonèmes sont des expansions cellulaires longues et fines qui permettent le transport de protéines avant leur sécrétion (Kornberg et Roy, 2014). Ce sont des filopodes particuliers, généralement inférieurs à 200 nm de diamètre, qui peuvent atteindre la taille de 300 μm. Des cytonèmes fonctionnant au cours de la morphogenèse ont été découverts pour la première fois dans les disques imaginaux des ailes de drosophile (Ramírez-Weber et Kornberg, 1999). Des études ultérieures ont montré qu’ils contenaient des molécules de signalisation, notamment HH (ou Shh chez les Vertébrés), WNT, TGFβ, des ligands de Notch et des facteurs de croissance (Fairchild et Barna, 2014).

La voie Hedgehog (HH) est une voie de signalisation conservée au cours de l’évolution et elle est activée via la fixation du ligand aux récepteurs Patched (PTCH), une grande protéine à 12 domaines transmembranaires. En absence de SHH, PTCH inhibe la protéine à 7 domaines transmembranaires Smoothened (SMO) en l’envoyant à la dégradation (Taipale et al., 2002). Un autre mécanisme complémentaire implique l’élimination par PTCH du cholestérol du feuillet interne de la membrane plasmique, cholestérol dont a besoin SMO pour être actif (Kinnebrew et al. 2021). La liaison de SHH au récepteur PTCH libère cette inhibition en bloquant le conduit hydrophobe dont se sert PTCH pour faire sortir le cholestérol du feuillet interne de la membrane plasmique (Zhang et al., 2018), le rendant disponible pour SMO, mais aussi en provoquant l’endocytose de PTCH grâce à l’action des E3 ubiquitine ligase Smurf1/2 (Yue et al., 2014).

**Action du récepteur Patched (PTCH) sur la distribution du cholestérol dans la membrane plasmique et inhibition par Shh. Grâce à un conduit hydrophobe, PTCH (ici modélisé avec sa structure tertiaire) déplète le feuillet interne de la membrane plasmique en cholestérol et SMO ne peut pas être activé. Shh bloque ce conduit ce qui aboutit à la présence de cholestérol dans le feuillet interne, ce qui active SMO. Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0092867418313795
**Shh provoque l’endocytose des récepteurs Patched1 (Ptch1). (A) Images en microscopie confocale de fibroblastes embryonnaires de souris (MEF) exprimant les protéines fusion Ptch1-GFP (vert) et Rab7-RFP (rouge). Rab7 est une protéine des endosomes. Ptch1 est sous sa forme sauvage ou sous la forme Δ2PY, c’est-à-dire sans le motif PPXY qui le fait reconnaitre par les E3 ubiquitine ligase Smurf1/2. Les cellules sont cultivées en présence ou en absence de Shh (ici juste son fragment N-terminal désigné par ShhN) (B) calcul des coefficients de colocalisation dans A entre Ptch1-GFP et Rab7-RFP. Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4080449/pdf/elife02555.pdf

La protéine transmembranaire SMO est alors activée. Elle est couplée à une protéine G mais elle peut transduire le signal par des voies effectrices et dépendantes et aussi indépendantes de la protéine G pour induire des réponses en aval (Arensdorf et al., 2017; Belgacem et Borodinsky, 2011; Ho Wei et al., 2018). L’activation de SMO provoque sa translocation dans le cil primaire où il active des effecteurs transcriptionnels GLI qui entrent dans le noyau et induisent l’expression des gènes cible de la famille Hedgehog (Corbit et al., 2005).

*Shh provoque la translocation de Smo dans le cil (et nécessite la phospholipase A2 pour le faire). Des cellules NIH 3T3 prétraitées ou non avec MAFP (5 μM), un inhibiteur de la phospholipase A2, et ont été stimulées avec du milieu contenant Shh (ici appelé ShhN) ou SAG, un agoniste de SMO (100 nM) et leur cil primaire est observé par microscopie confocale à immunofluorescence avec les anticorps reconnaissant les antigènes indiqués. Pour toutes les images, la pointe du cil est indiquée par une pointe de flèche. VEH désigne le solvant qui sert de contrôle. (A) Quantification de la fluorescence de Smo au niveau du cil. (B–F) Images représentatives pour chaque condition. Cep290 est un marqueur de la base du cil. L’α-tubuline acétylée est un marqueur du cytosquelette du cil. Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2211124717306757
*Voie de signalisation Hedgehog. D’après https://journals.biologists.com/dev/article/148/9/dev195552/261696/Hedgehog-signaling-and-the-primary-cilium

Le cil primaire de la cellule se compose de neuf doublets de microtubules formant un axonème. D’une longueur moyenne de 5 μm, il s’étend à partir du centriole amarré à la membrane appelé corps basal. L’axonème est entouré d’une membrane ciliaire, qui est un compartiment spécialisé et distinct de la membrane plasmique.

Le cil primaire peut être considéré comme un centre de signalisation de la cellule, à la fois le récepteur du signal mais aussi l’amplificateur car les protéines nécessaires à la transduction du signal s’y trouvent concentrées (Anvarian et al., 2019).

Des expériences indiquent que Patched doit se trouver dans le cil primaire pour que la voie de signalisation Hedgehog soit activée. En effet, un mutant Ptch1 qui produit une protéine avec sa queue C-terminale délétée ne plus entrer dans le cil mais peut toujours fixer le ligand Hedgehog. Or cette forme est incapable de transduire le signal (Kim et al., 2015).

L’importance du cil primaire se retrouve dans le fait que des mutations provoquant des ciliopathies peuvent altérer le fonctionnement de la voie Shh. Par exemple, des patients avec une mutation dans le gène INPP5E (codant une protéine impliquée dans la composition en phosphoinositol de la membrane des cils) sont affectés par le syndrome de Joubert causé par des défauts dans le cervelet et aussi parfois dans le cortex, deux structures dont le développement harmonieux dépend de Shh. L’étude d’organoïdes cérébraux à partir de cellules iPS où une mutation de INPP5E a été introduite par CRISPR/Cas9 a montré que l’environnement ciliaire modifié suractive la voie Shh provoquant des défauts développementaux aboutissant à la pathologie (Schembs et al., 2022).

Il existe aussi des voies de signalisation activées par Shh sans intervention du cil primaire :

**L’activation de la petite GTPase Rho par SHH est indépendante du cil.
On travaille avec des fibroblastes embryonnaires de souris (MEF) sauvages (WT) ou délétés pour Kif3a qui code une protéine nécessaire au développement du cil primaire (Kif3a-/-). (A) Western blot de l’expression endogène de KIF3A dans des lysats cellulaires des différentes cellules. p38 a été utilisé comme témoin de charge. (B) Coloration des cils primaires par immunofluorescence avec un anticorps reconnaissant l’α-tubuline acétylée (vert) dans les cellules. Les noyaux ont été contre-colorés avec du DAPI. Le graphique à barres montre le % moyen ± SEM de cellules ciliées dans les deux génotypes. (C) Induction de GLI1 dans les MEF WT et Kif3a-/- après 24h de privation de sérum suivie d’une incubation de 48h en présence de véhicule (-), de 2,5 µg/ml SHH, ou 5 µM purmorphamine (PUR), un activateur de la voie Shh. (D,E) Etude par western-blot et quantification de Rho activé (lié au GTP) sur la quantité de Rho total dans les MEF avec les différents génotypes avec des durées différentes de stimulation avec SHH. Les rapports ont été exprimés relativement à t = 0. Source : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0203170

Une fois que Patched est inactivé par Hedgehog, Smoothened rentre dans le cil et il inactive la PKA et SuFu qui faisait se transformer les facteurs de transcription Gli en leur forme répressive (GliR, clivés et réduits à leur partie C-terminale). Les Gli prennent donc une forme activatrice de la transcription quand la voie Hedgehog est activée. Ce sont des facteurs de transcription dont le domaine de fixation à l’ADN est à doigts de zinc. En présence de Hedgehog, Gli2 et Gli3 ne sont plus clivés et possèdent une partie N-terminale qui les rend activateur de la transcription (GliA). Gli1 est toujours activateur de la transcription mais il est très peu exprimé en absence de Hedgehog. Il est l’une des premières cibles de l’activation de la voie Hedgehog et de Gli2 et de Gli3 et sa présence renforce l’activation des gènes cibles.

*Différentes réponses en fonction de la dose de Hedgehog selon l’état activateur ou répresseur des Gli (NB : Gli1 ne peut être qu’activateur). Les cellules compétentes à recevoir le signal Hedgehog (Hh) hébergent des rapports variables de GliR et GliA, ce qui se traduit par l’activation transcriptionnelle différentielle de gènes cibles de Gli. En l’absence de Hh, la majorité des Gli existent sous forme de GliR, ce qui conduit à la répression d’un sous-ensemble de gènes cibles Gli (gène A), et la protéine Gli pleine longueur est maintenue inactive par des mécanismes inhibiteurs. Le gène A est déréprimé lorsque les niveaux de GliR sont réduits en réponse à la stimulation Hh. La signalisation Hh conduit à l’activation de protéine Gli pleine longueur préexistante (formant GliA), ce qui entraîne la transcription du gène B, que de faibles niveaux de GliA peuvent activer. Le gène C est transcrit plus tard lorsque des niveaux plus élevés de GliA sont présents (notamment grâce au renfort de Gli1). Source : https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-cellbio-092910-154048

Les gènes Gli1, Gli2 et Gli3 forment une famille multigénique qui a évolué par duplication de gènes. Les Protostomiens tels que la drosophile et les cordés non vertébrés tels que l’ascidie ou Amphioxus n’ont qu’un seul gène Gli (appelé Cubitus interruptus chez la drosophile) donc les duplications ont eu probablement eu lieu au début de l’histoire évolutive des Vertébrés (Islam et al., 2010).

Shh inactive Sufu en favorisant sa poly-ubiquitinylation sur la lysine 257, ce qui conduit à sa dégradation dans le protéasome. C’est la protéine E3 ligase Fbxl17 qui cible Sufu (Raducu et al., 2016). La phosphorylation de Sufu sur les Ser-346 et 342 par la PKA et la glycogène synthase kinase 3β (GSK3β) stabilise Sufu contre la dégradation induite par Shh.

**Interactions entre la protéine E3 ligase Fbxl17, Sufu et les facteurs de transcription Gli. Source : https://www.embopress.org/doi/epdf/10.15252/embj.201593374

PKA intervient aussi dans la conversion de GliA en GliR. Lors de la fixation de Shh, le récepteur à 7 domaines transmembranaires GPR175 (aussi nommé TPRA1) est transloqué dans le cil et active la protéine Gα-i ce qui diminue la quantité d’AMPcyclique et réduit l’activité de PKA (Singh et al., 2015).

*La déplétion de Gpr175 altère la signalisation Hh. (A) pourcentage d’activité luciférase par rapport au contrôle dans des fibroblastes de souris transfectés avec un vecteur permettant d’exprimer la luciférase sous le contrôle de séquences activés par Gli (Gli-Luc). Les cellules sont traitées par des siARN contrôle (NTC), des siARN contre Ift88 (qui code une protéine nécessaire au fonctionnement du cil et donc de la signalisation Hh) et siARN contre Gpr175 en présence (noir) ou en absence de Hh (gris). (B) Etude par RT-qPCR de l’expression de Gli1 endogène dans les cellules soumises aux conditions indiquées. Source : https://www.jbc.org/article/S0021-9258(20)39576-4/fulltext

BILAN DE LA SIGNALISATION Hedgehog

*Voie de signalisation Hedgehog. A gauche : En l’absence de Hh, Ptch1 dans le cil primaire supprime l’activité de Smo et empêche sa localisation dans le cil. Gpr175 n’est pas présent dans le cil et donc n’interagit pas avec le Gα-i ciliaire conduisant à des concentrations locales élevées d’AMPc. L’AMPc stimule la PKA (les astérisques désignent les formes actives de toutes les protéines) qui phosphoryle Gli3 pleine longueur (et Gli2; Gli-FL), ce qui déclenche le clivage de Gli3 dans sa forme répresseur (Gli-R). Gli3-R réprime l’activation transcriptionnelle des gènes cibles de la voie Hh.
A droite : En présence de Hh, Ptch1 est retiré du cil, permettant à Smo d’entrer dans le cil et d’être activé. Cela conduit à l’accumulation de Gpr175 dans les cils, où il interagit avec Gα-i ce qui inhibe la production locale d’AMPc, empêchant l’activité de la PKA et le clivage Gli3. Le complexe SuFuGli-FL s’accumule à la pointe du cil primaire se dissocie et Gli-FL activé (GliA*) sort du cil et pénètre dans le noyau ce qui active la transcription des gènes cibles de Hh tels que Gli1. Source : https://www.jbc.org/article/S0021-9258(20)39576-4/fulltext

Des molécules peuvent activer ou atténuer la voie de signalisation Hedgehog. Par exemple, les protéines Cdo et Boc qui appartiennent à la famille N-CAM et qui sont exprimés à la membrane plasmique interagissent avec Shh et facilitent son interaction avec le récepteur Patched. Lors de la polarisation dorso-ventrale du tube neural, Cdo est exprimé dans la plaque du plancher où Shh est exprimé tandis que Boc est exprimé dans les régions les plus dorsales atteintes par le gradient morphogène de Shh. La surexpression de Boc ou de Cdo aboutit à une ventralisation cellulaire-autonome des cellules où a lieu cette surexpression mais les cellules aux alentours sont dorsalisés, ce qui indique bien un effet potentiateur de la signalisation Shh pour les cellules qui expriment Boc ou Cdo mais la séquestration de Shh par ces molécules aboutit à appauvrir la région autour en Shh et a donc un effet dorsalisant (Tenzen et al., 2006). Dans diverses tumeurs, Cdo induit une apoptose en activant la cascade des caspases à moins que Shh n’interagisse avec lui (Delloye-Bourgeois et al., 2013). Inhiber la production de Shh peut alors s’avérer une stratégie anti-tumorale intéressante.

**L’inhibition de Shh a des effets anti-tumoraux via une apoptose dépendante de Cdo (ou autre nom, Cdon ici). Des cellules humaines A549 dérivées d’une tumeur du poumon sont transfectées avec un siARN contrôle (scr. = séquence aléatoire) ou un siARN Shh et/ou un siARN CDON, inhibant la production de Shh et/ou CDO (=CDON) respectivement. Les cellules sont ensuite greffées en sous-cutané sur des souris immunodéficientes nude et on suit la taille des tumeurs et l’activité apoptotique de la caspase-3. Source : https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1001623

De son côté, la protéine TMED2 retient SMO dans le reticulum endoplasmique et dans l’appareil de Golgi diminuant ainsi la présence de SMO à la membrane plasmique. La voie de signalisation SHH est ainsi moins activée dans les cellules-cibles (Di Minin et al., 2022).

**TMED2 est un régulateur négatif de la signalisation SHH lors de la différenciation neuronale. Des cellules ES sont différenciées en neurones avec un protocole qui rappelle la différenciation ventrale dans le tube neural. Une immunofluorescence est réalisée avec des anticorps reconnaissant OLIG2 (vert) ou NKX2.2 (rouge) qui sont exprimées habituellement dans la partie ventrale du tube neurale sous l’influence de SHH. On constate que la présence de SHH dans le milieu est nécessaire à l’activation de l’expression de ces 2 protéines (avec une activation modérée de OLIG2 et une faible activation de NKX2.2 avec les doses de SHH utilisées). Cette activation dépend de SMO car les cellules ES Smo-/- n’activent pas l’expression de ces protéines. Dans 2 lignées de cellules ES Tmed2-/-, OLIG2 et surtout NKX2.2 sont exprimées de manière plus importante, ce qui montre que Tmed2 est nécessaire pour moduler l’activité SHH dans les cellules. Source : https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.3001596

En plus de la cascade canonique dépendante de Gli, il existe un certain nombre de voies non canoniques indépendantes de Gli, opérant via la kinase de la famille Src (Sloan et al., 2015; Yam et al., 2009), les petites GTPases Rac1 et RhoA (Ho Wei et al., 2018; Polizio et al., 2011), l’activation de NF-ĸB via PKC (Qu et al., 2013) et de l’axe Ca2+/Ampk (Teperino et al., 2012).

Des tératogènes perturbent la voie Hedgehog, notamment la cyclopamine, un alcaloïde stéroïde produite par une Liliacée (Veratrum californicum) qui inhibe la voie Hedgehog en se fixant sur Smoothened. Citons également le piperonylbutoxide qui est présent dans des pesticides (Everson et al., 2019).

Hedgehog dans la mise en place de l’axe antéro-postérieur du disque imaginal de l’aile de drosophile

Dans les disques imaginaux des ailes de drosophile, Hh est sécrété dans le compartiment postérieur (P) et se propage vers le compartiment antérieur (A) (Capdevila et al., 1994 ; Tabata et Kornberg, 1994). La signalisation Hh ne se produit pas dans les cellules du compartiment P car elles n’expriment pas de composants critiques de la voie Hh, tels que l’effecteur transcriptionnel Ci qui est l’orthologue des facteurs de transcription Gli des Vertébrés (Eaton et Kornberg, 1990). En revanche, les cellules du compartiment A peuvent recevoir et répondre à Hh mais sont incapables de produire Hh. Dans les cellules du compartiment A situées à proximité de la source de production de ligands Hh à la frontière A/P, la signalisation Hh déclenche l’activité de la voie et, par conséquent, une augmentation de la transcription des gènes cibles (Ingham et al., 1991 ; Basler et Struhl, 1994 ; Capdevila et al., 1994 ; Tabata et Kornberg, 1994 ; Chen et Struhl, 1996).

*La surexpression de Hedgehog dans la région antérieure de l’aile provoque une duplication en miroir. Grâce au système UAS-GAL4, l’expression de Hh a été mise indirectement via GAL4 sous le contrôle du promoteur d’un gène exprimé dans la région antérieure (vers le haut). B est un agrandissement d’une région de A. La numérotation correspond aux différentes veines. Source : https://www.embopress.org/doi/epdf/10.1002/j.1460-2075.1994.tb06768.x

Dans une recherche de lipides endogènes qui agissent comme des antagonistes des SMO, les endocannabinoïdes ont été identifiés comme inhibiteurs de la signalisation Hedgehog (Khaliullina et al., 2015). Leur action en tant qu’inhibiteurs de la voie HH a pu être démontrée à la fois dans le développement des disques alaires de la drosophile et dans les cellules de mammifères en culture. Les endocannabinoïdes sont des acides gras/alcools liés à des groupes de tête polaire qui agissent via les récepteurs aux cannabinoïdes GPCR de type 1 (CB1R; CNR1) et de type 2 (CB2R; CNR2) (Lu et Mackie, 2020; Maccarrone et al., 2015). Les phytocannabinoïdes sont des ingrédients bioactifs du cannabis et comprennent le Δ9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD), le premier étant le principal composant psychoactif. Ces composés exercent leurs effets via CB1R, CB2R et/ou d’autres récepteurs, le CB1R étant responsable de la médiation des principaux effets neurocomportementaux du THC (Lu et Mackie, 2020 ; Schurman et al., 2020). THC et le CBD inhibent la signalisation HH de la même manière que les endocannabinoïdes, (Khaliullina et al., 2015). Ces résultats soulèvent la possibilité que l’exposition in utero aux phytocannabinoïdes puisse être tératogène, en raison de sa capacité à inhiber la signalisation HH à des moment-clés du développement. Le THC est en effet tératogène pour les souris génétiquement sensibilisées qui présentant une activation moindre de la voie HH. Le THC a induit des phénotypes de perte de fonction de HH de manière dose-dépendante, notamment une holoprosencéphalie (pas de séparation du télencéphale en deux hémisphères), une malformation typique d’une perte de la voie Hedgehog (Chiang et al., 1996 ; Cohen et Shiota, 2002). Le THC agit donc comme un « tératogène conditionnel », dépendant du contexte génétique car les souris sauvages n’ont pas présenté de phénotypes.

Shh, développement du cervelet et cancer

Shh est impliqué dans le développement du cervelet post-natal et a été impliqué dans la genèse de 25 à 30% des médulloblastomes, un type de cancer touchant essentiellement les enfants qui se développe dans le cervelet. Des mutations de PATCHED-1, de SMO et de SUFU ont été caractérisées dans ces tumeurs (Raducu et al., 2016; Tamayo-Orrego et Charron, 2019). Les cellules tumorales expriment le marqueur Atoh1 des précurseurs des cellules granulaires et ces dernières sont très probablement les cellules d’origine des cellules tumorales. Cet exemple illustre le fait que les cellules tumorales gardent une signature des cellules qui leur ont donné naissance. Cela affecte les propriétés de ces cellules et donc le pronostic et les traitements à mettre en œuvre.

**Rôle de SHH au cours du développement postnatal du cervelet. Les précurseurs des cellules granulaires (GCP), les progéniteurs qui donnent naissance aux neurones granulaires, prolifèrent dans la couche externe (EGL) du cervelet en réponse à SHH produit par les neurones de Purkinje. Les neurones granulaires peuplent ensuite la couche cellulaire interne granulaire (IGL) après que les GCP aient migré à travers la couche cellulaire de Purkinje en utilisant les prolongements radiaux de la glie de Bergmann. Le pic de prolifération de GCP s’étend sur les sept premiers jours postnataux chez la souris ; chez l’Homme, elle s’étend de la seconde moitié de la gestation au sixième mois postnatal. Une suractivation de la voie SHH dans les GCP mène à l’apparition d’un sous-type particulier de médulloblastome. Source : https://f1000research.com/articles/8-1823/v1

Notez que la signalisation Shh est impliquée dans d’autres types de tumeurs, notamment le carcinome basocellulaire qui est le cancer le plus fréquent de la peau (Gambini et al., 2022). On y trouve fréquemment des mutations perte-de-fonction du gène codant PATCHED1.

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