par Patrick PLA, Université Paris-Saclay
- Généralités
- L’exemple du renouvellement de l’intestin
- La division asymétrique des cellules souches
- La régénération chez les animaux
- Cellules souches quiescentes, actives et sénescentes
Généralités
Par définition, les cellules souches sont des cellules capables d’auto-renouvellement lors des divisions cellulaires. C’est-à-dire que lors d’une mitose au moins l’une des deux cellules filles conserve des propriétés de cellules souches. L’autre cellule peut être :
- soit une deuxième cellule souche (la division est alors dite symétrique et a permis d’augmenter le pool de cellules souches)
- soit une cellule qui va perdre les caractères de cellules souches (la division est alors dite asymétrique). Cette cellule peut continuer à proliférer et ses descendantes pourront se différencier.

L’équilibre entre ces deux modalités est crucial pour le bon développement d’un organisme mais aussi pour l’homéostasie (le renouvellement normal des cellules) ou la régénération lors de blessures ou de pathologies. Il est aussi possible qu’il y ait une division symétrique qui aboutisse à ce que les deux cellules-filles perdent leur caractère de cellule souche. Dans ce cas, cela provoque l’épuisement du pool de cellules souches, qui est une des composantes du vieillissement des organismes. Cela a bien été prouvé dans le cas des cellules souches mélanocytaires qui finissent par se différencier au cours du vieillissement ce qui provoque le blanchiment des poils et des cheveux car le renouvellement des mélanocytes ne peut plus se faire (Inomata et al., 2009). Chez les végétaux, on peut par exemple observer l’épuisement des cellules souches dans le méristème apical caulinaire à la fin de la formation de la fleur.
Attention à ne pas confondre la notion de cellule souche et de pluripotence. Il existe des cellules souches « monopotentes » capables de ne générer des cellules que d’un seul type cellulaire (les cellules satellites des muscles striés squelettiques en sont un exemple).
Les cellules souches sont bien entendu très nombreuses dans les embryons. Au fur et à mesure que le développement se déroule, une part de plus en plus importante de cellules va être déterminée puis se différencier. Les cellules souches deviennent minoritaires, cantonnées à ce que l’on appelle une niche, c’est-à-dire dans un environnement propice au maintien de leur caractères particuliers (par exemple au fond des cryptes de Lieberkühn pour les cellules souches de l’épithélium intestinal, reconnaissables à leur expression du récepteur Lgr5). Les éléments importants de cet environnement sont constitués par la matrice extracellulaire, la présence de molécules de signalisation, l’adhérence avec les cellules voisines et quelque fois le niveau d’oxygénation (un milieu hypoxique protège du stress oxydatif). Les cellules souches permettent de renouveler les cellules qui n’ont qu’une durée de vie limitée (kératinocytes de la peau, entérocytes de l’intestin, cellules sanguines…). Dans le cas des cellules sanguines, 100 milliards de cellules doivent être remplacées chaque jour chez l’Homme ! Les cellules souches permettent une régénération qui est essentielle pour l’homéostasie tissulaire.
L’exemple du renouvellement de l’intestin
L’intestin grêle peut être subdivisé en deux compartiments : les villosités, qui contiennent des cellules différenciées et les cryptes, où résident les cellules souches. Le renouvellement de l’épithélium doit se faire régulièrement car il est agressé par le contenu de la lumière intestinale (substances toxiques dans l’alimentation, toxines produites par les bactéries…). En période d’homéostasie, le temps de renouvellement des villosités est de 5 jours.
Un pool de cellules souches hautement prolifératives est présent et doit donner en permanence des cellules qui se différencient pour maintenir l’intégrité de la barrière épithéliale intestinale (Barker et al., 2007). Le récepteur Lgr5 marque ces cellules souches adultes. Celles-ci sont entourées des cellules de Paneth et de cellules mésenchymateuses sous-épithéliales appelées cellules stromales péricryptiques. Ces cellules environnantes fournissent des facteurs de niche pour le maintien des cellules souches. Les signaux Wnt, le facteur de croissance épidermique (EGF) et des ligands de Notch sont fournis par les cellules de Paneth, tandis que Wnt, EGF, R-Spondine et deux antagonistes des BMP appelés Gremlin et Noggin sont fournis par les cellules stromales péricryptiques. Si on élimine soit les cellules de Paneth, soit les cellules stromales, les cellules Lgr5+ perdent leurs caractères de cellules souches (Sato et al., 2011).

Lgr5 est une protéine intéressante. Son gène a été identifié initialement comme une cible de la voie Wnt dans les cellules souches intestinales. C’est une protéine à 7 domaines transmembranaires de la famille des rhodopsines. Le fait que ce soit un récepteur de la R-spondine qui est une protéine connue pour potentialiser la signalisation Wnt montre qu’une boucle de rétroaction positive est à l’œuvre dans les cellules souches de l’intestin (de Lau et al., 2014). Cette signalisation Wnt est indispensable pour que les cellules Lgr5+ maintiennent leurs propriétés de cellules souches.


La niche des cellules souches est de taille restreinte et ne peut contenir qu’un certain nombre de cellules souches Lgr5+. Par conséquent, une compétition entre les cellules souches se produit dans laquelle les cellules qui sont poussées hors de la niche perdent leurs caractères de cellules souches et se différencient en plusieurs types cellulaires de l’épithélium intestinal (Corominas-Murtra et al., 2020; Snippert et al., 2010). La voie de signalisation BMP est responsable de la perte des propriétés de cellules souches (Qi et al., 2017). Les cellules ne sont plus protégées de l’influence des BMP par Gremlin et Noggin comme c’était le cas avant lorsqu’elles se trouvaient à côté des cellules mésenchymateuses qui les produisent. Ici, l’homéostasie est obtenue par régulation sur la population de cellules souches via des facteurs externes au lieu de réguler la symétrie de division dans les cellules souches individuelles.
Le même scénario se reproduit pour les cellules souches neurales de la zone sous-ventriculaire chez les Mammifères. BMP est produit par les cellules endothéliales dans la région basale alors que les cellules de l’épendyme dans la région apicale produisent Gremlin et Noggin.

BMP pousse les cellules à perdre leur caractère de cellules souches et à devenir des cellules gliales. La niche des cellules souches neurales se trouve accolée aux cellules de l’épendyme donc elles sont protégées de l’influence de BMP par Gremlin et Noggin qui sont sécrétés localement (Lim et al., 2000). Cependant, si une cellule fille quitte la région apicale et se rapproche des cellules endothéliales de la région basale, elle subit l’influence des BMP et sera déterminée en cellule gliale.
La division asymétrique des cellules souches
Nous l’avons vu en introduction, la division asymétrique des cellules souches est un paramètre essentiel pour leur maintien tout en assurant la production de cellules qui vont pouvoir se différencier. Une division asymétrique implique de répartir les composants cellulaires de manière inégale ce qui met en jeu des protéines dont le rôle est d’établir la polarité cellulaire. Cette polarité doit être étroitement couplé avec le plan de division mitotique.

Dans certains cas (épiderme, cellules satellites musculaires…), le maintien du contact avec la lame basale est un élément essentiel du maintien des caractères de cellules souches lors des divisions asymétriques. Si la mitose aboutit à générer une cellule qui n’est plus en contact avec la lame basale, elle perd ses propriétés de cellule souche. Elle ne se trouve plus dans la « niche » qui permet de maintenir ces propriétés.

Une division asymétrique peut aussi provoquer la sortie d’une cellule souche de sa niche, indépendamment de la lame basale. Par exemple, les cellules souches germinales dans le germarium de drosophile sont en contact avec les cellules de la coiffe qui leur envoient des signaux (Dpp et Hedgehog) qui maintiennent leurs caractères de cellules souches, en inhibant l’expression du gène Bam (Casanueva et al., 2004). Ces cellules souches se divisent de manière asymétrique : une des 2 cellules-fille perd le contact avec les cellules de la coiffe et se retrouve trop éloignée des sources de Dpp et Hedgehog et active l’expression du gène Bam qui provoque sa différenciation.
La régénération chez les animaux
Lorsqu’ils sont confrontés à une blessure ou à une maladie, les animaux peuvent réparer ou même remplacer les tissus endommagés. Ce processus de régénération est observé dans toutes les espèces animales, mais il y a de très grandes variabilités selon les différents phyla concernant l’étendue des dommages « réparables ».
Tous ces processus sont souvent alimentés par des cellules souches résidentes dans les tissus (Sánchez Alvarado et Tsonis, 2006; Tanaka et Reddien, 2011). En réponse à une blessure, les cellules souches accélèrent la production de types spécifiques de cellules différenciées pour réparer les tissus endommagés. Par exemple, chez les mammifères adultes, les lésions de l’intestin, de la peau ou des poumons incitent les cellules souches à augmenter les taux de prolifération et à produire en grand nombre des cellules qui vont se différencier (Buczacki et al., 2013; Stabler et Morrisey, 2017; Tumbar. et al., 2004). Cela indique que les blessures peuvent modifier le comportement des cellules souches pour favoriser la réparation, mais la façon dont ces changements contribuent à la régénération est encore un vaste domaine à explorer.
L’étude de la régénération fait appel souvent à des modèles plus originaux que d’autres études de développement car les modèles « classiques » (drosophile, souris…) ont des capacités de régénération relativement faibles. Chez l’axolotl ou la salamandre (Amphibien Urodèle), on étudie la régénération de la patte après section. On observe une prolifération des cellules souches formant un blastème dans lequel des progéniteurs se mettent en place et produisent une nouvelle patte avec l’ensemble de ses types cellulaires (muscles, ostéocytes, épiderme…). Les cellules souches dans ce cas proviennent de la dédifférenciation de cellules dans le moignon restant. D’autres exemples similaires existent chez le poisson-zèbre où la rétine peut être régénérée à partir de la dédifférenciation des cellules gliales de Müller et le ventricule du coeur peut être régénéré à partir de la dédifférenciation des cardiomyocytes (Jopling et al., 2010).
Prenons comme autre exemple la planaire d’eau douce Schmidtea mediterranea. C’est un organisme modèle idéal car sa capacité de régénération est pratiquement illimitée et dépend d’une population abondante de cellules souches appelées néoblastes (Adler et Sánchez Alvarado, 2015). Définie par l’expression de la protéine de la famille argonaute, piwi-1 qui est capable de se lier à de courtes molécules d’ARN (Reddien et al., 2005), la population de cellules souches de la planaire est constituée de cellules totipotentes capables de reconstituer l’animal entier (Wagner et al., 2011) et aussi de cellules souches spécifiques de certains organes (Scimone et al., 2014 ; van Wolfswinkel et al., 2014 ; Zeng et al., 2018).

Dans des conditions homéostatiques, le facteur de transcription de la famille Forkhead FoxA est exprimé dans le pharynx et un sous-ensemble de cellules souches qui y résident. L’amputation du pharynx déclenche une augmentation des cellules souches FoxA+, démontrant que la blessure élargit le pool de cellules souches spécifiques du pharynx (voir figure ci-dessus).
Au cours d’une vie normale sans blessure particulière (phase d’homéostasie), les cellules souches de la planaire reconstituent les organes par une prolifération constante qui entraîne le renouvellement cellulaire. En cas de blessure, une augmentation générale de la division des cellules souches se produit en quelques heures, ainsi que de vastes changements transcriptionnels (Gaviño et al., 2013 ; Wenemoser et al., 2012).

(A) Les animaux traités avec un ARNi (ARN interférence) inhibant la production de Fst n’ont pas formé de blastèmes de régénération après amputation (gauche, pointes de flèche, n > 100) et n’ont pas régénéré un cerveau tel qu’évalué par hybridation in situ avec une sonde d’ARN reconnaissant l’ARNm codant la choline-acétyltransférase (chat, milieu, pointe de flèche, n = 9/ 9). (B) Les animaux fst(ARNi) n’ont pas formé de blastèmes 8 jours après l’excision d’un coin de tissu latéral (tête de flèche, n = 14/14). (C) Les animaux fst(ARNi) n’ont présenté aucun phénotype en l’absence d’amputation (à droite, n = 30/30, 123 jours après traitement ARNi). Cela montre bien que Fst n’est pas indispensable pour l’homéostasie (maintien des tissus) mais seulement pour la régénération (D) Les animaux fst(ARNi) produisaient encore de nouveaux neurones 20 jours après avoir échoué à se régénérer (n = 8/8 ; les cellules qui sont SMEDWI protein+ et chat+ sont des neurones nouvellement différenciés [Wagner et al., 2011]), démontrant un renouvellement tissulaire continu dans les vieux tissus. Barre d’échelle 10 µm. (E) fst est exprimé de façon clairsemée dans tout l’animal intact et au pôle antérieur. Après l’amputation de la tête et de la queue, une expression fst robuste se produit sur les sites de plaies antérieures et postérieures, avec un pic d’expression 12 heures après l’amputation. Barres d’échelle = 100 µm pour la gauche de (A), (B) et (C) ; 200 µm pour la droite de (A) et (E). Région antérieure vers le haut. Source : https://elifesciences.org/articles/00247
Activée par la blessure, la kinase ERK contribue à bon nombre de ces changements transcriptionnels induits par les blessures, en plus de réguler la prolifération, la différenciation et la survie des cellules souches (Owlarn et al., 2017; Shiroor et al., 2020). L’augmentation de l’activité de ERK dans les cellules souches après une blessure leur permet même de mieux survivre à des radiations. Ce genre d’étude peut permettre de comprendre comment certaines cellules souches tumorales peuvent survivre à une radiothérapie.

Cellules souches quiescentes, actives et sénescentes
Revenons à des considérations générales. Au cours du vieillissement ou de certaines maladies, le nombre et / ou l’activité des cellules souches adultes diminue, empêchant le remplacement des cellules âgées (ou défectueuses). Cela contribue à la baisse des performances fonctionnelles (Schultz et Sinclair, 2016; Tümpel et Rudolph, 2019). Ce déclin des cellules souches est dû à la fois à des mécanismes intrinsèques et à des changements dans les signaux extrinsèques de l’environnement des cellules souches (niche). Les cellules souches peuvent alors entrer en sénescence (G0 irréversible) ou mourir.
Les cellules souches adultes dans différents tissus présentent diverses stratégies pour assurer leur maintien tout au long de la vie de l’organisme (Mohammad et al., 2019).
L’une de ces stratégies consiste à rester dans un état non prolifératif, appelé quiescence, qui protège l’ADN des cellules des mutations acquises au cours des cycles successifs de division cellulaire (Walter et al., 2015). Les cellules quiescentes sont sorties du cycle cellulaire mais cet état est réversible.

Le métabolisme des cellules quiescentes est faible. Très souvent, l’élimination des mitochondries par l’autophagie (mitophagie) est responsable de la diminution du métabolisme et est importante pour maintenir la quiescence (Ho et al., 2017; Zhang et al., 2018). La perte de mitophagie dans les cellules souches hématopoïétiques (CSH) entraîne une augmentation du nombre de mitochondries, une activité métabolique globale plus élevée et une réentrée aberrante dans le cycle cellulaire (Ho et al., 2017).
Les cellules souches adultes quiescentes sont trouvées dans de nombreux tissus, mais la proportion de ces cellules est plus grande dans les tissus à faible renouvellement, tels que le muscle strié squelettique ou l’hippocampe dans le cerveau, par rapport aux tissus à renouvellement rapide, comme la peau ou l’intestin. Le sang est un « tissu » à taux de renouvellement élevé qui échappe à cette généralisation : les cellules souches hématopoïétiques (CSH) restent pour la plupart quiescentes et donnent naissance à des progéniteurs multipotents pour soutenir la production de cellules sanguines (Nakamura-Ishizu et al., 2014; Pinho et Frenette, 2019). La niche dans laquelle se trouvent les CSH et les paramètres qui la constituent font partie des sujets les plus étudiés en biologie des cellules souches.

Divers types de cellules ont été impliqués dans la régulation de l’activité des cellules souches hématopoïétiques (CSH), notamment les cellules souches mésenchymateuses périvasculaires (CSM), les cellules endothéliales, les ostéoblastes, les cellules adipocytaires, les nerfs du système nerveux sympathique (SNS), les cellules de Schwann non myélinisantes, les macrophages, les mégacaryocytes et les lymphocytes T régulateurs (Treg). Le schéma illustre comment les cellules de niche de la moelle osseuse (BM) contribuent à la régulation des CSH indirectement ou directement en synthétisant des facteurs de niche sous la forme de molécules liées aux cellules ou sécrétées. La couleur des rayons radiaux indique l’activité HSC qui est affectée. Un astérisque * indique les molécules impliquées dans la régénération de la moelle osseuse après ablation. Les caractères gras indiquent les molécules pour lesquelles il existe des données fonctionnelles utilisant des preuves génétiques spécifiques aux cellules. SCF, facteur de cellules souches; CXCL12, ligand CXC-chimiokine 12; CXCL4, ligand de chimiokine CXC 4; FGF1, facteur de croissance des fibroblastes 1; TGFβ, facteur de croissance transformant-β; DARC, récepteur d’antigène duffy pour les chimiokines ; GP130, glycoprotéine 130; VCAM1, molécule d’adhésion cellulaire vasculaire 1; IL-10, interleukine-10. Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6483843/
Les premières cellules souches hématopoïétiques (CSH) ne se forment pas dans la moelle osseuse mais dans une annexe extraembryonnaire : la vésicule vitelline. Une deuxième génération de CSH nait dans la paroi de l’aorte de l’embryon et gagne via la circulation sanguine le foie où ces cellules permettent la production des cellules sanguines de l’embryon puis du fœtus (Boulais et Frenette, 2015). Lorsque les os se développent, de nouvelles CSH circulantes dans le sang s’installent dans la moelle osseuse dans ce qui va constituer leur niche pour le restant de leur vie. Les CSH y sont attirées par la chimiokine CXCL12 (ou SDF-1) produite par les ostéoblastes et les cellules stromales de la moelle osseuse, dont le récepteur est CXCR4 à la surface des CSH (Asri et al., 2016).
La quiescence est essentielle pour le maintien à long terme des cellules souches adultes et des fonctions tissulaires. Cependant, une quiescence excessive peut conduire à la génération de trop peu de cellules prolifératives pour faire face aux besoins homéostatiques des tissus (Cheung et Rando, 2013). En revanche, une quiescence insuffisante peut conduire à la formation de tumeurs ou, lorsque l’activation des cellules souches n’est pas liée à l’auto-renouvellement, à l’épuisement de la réserve de cellules souches. Les cellules souches quiescentes existent également dans de nombreux types de cancer, et elles contribuent à la capacité des tumeurs à échapper à la radiothérapie et à la chimiothérapie. La quiescence contribue ainsi à la capacité de certaines tumeurs à se développer à nouveau après le traitement.
Bien que la quiescence ait longtemps été considérée comme un état inactif, des études récentes ont montré qu’elle est activement régulée et modulée par des signaux intrinsèques et extrinsèques. De plus, certaines études récentes commencent à faire la lumière sur les mécanismes moléculaires permettant aux cellules souches adultes quiescentes d’être réactivées. Les modèles les plus étudiés sont les CSH, les cellules souches neurales (NSC) et les cellules souches musculaires.
L’état d’une population de cellules souches peut être contrôlé par la signalisation Notch. Par exemple, dans la zone ventriculaire télencéphalique du poisson zèbre adulte, les cellules souches neurales oscillent entre un état de quiescence et un état actif qui va mener au recrutement de progéniteurs neuraux et ce sont les niveaux de la lente oscillation de l’activité Notch qui dirige ce changement d’état (Chapoton et al., 2010).

De plus, ce sont les progéniteurs en division (c’est-à-dire les cellules recrutées qui ont perdu leur caractère de cellules souches et qui, après prolifération, vont se différencier en neurones) qui sont la source de ligands pour Notch, imposant une quiescence transitoire aux cellules souches voisines. C’est un mécanisme d’auto-régulation : quand il y a trop de progéniteurs, ils activent un signal dans les cellules souches pour les remettre dans un état de quiescence et pour produire moins de progéniteurs. Cela permet de maintenir un équilibre entre population de cellules quiescentes et population de cellules prolifératives.
Autre exemple, cette fois-ci sur la régulation de la sénescence. Bmi1, un répresseur de la transcription de la famille Polycomb, est nécessaire pour des divisions cellulaires d’auto-renouvellement des cellules souches hématopïétiques (CSH) adultes ainsi que des cellules souches neurales du système nerveux central et périphérique adulte. En absence de Bmi1, l’auto-renouvellement des cellules souches neurales est réduit et conduit à leur épuisement postnatal in vivo, mais la prolifération et la survie des cellules progénitrices engagées (qui ne sont plus des cellules souches) est normale.
En l’absence de Bmi1, les gènes p16Ink4a et p19Arf codés par le même locus Cdkn2a sont anormalement exprimés. Le maintien des capacités d’autorenouvellement par Bmi1 est médiée en partie par la suppression de la voie de sénescence dépendante de p16Ink4a et nécessite une voie pRB intacte. Pour preuve, dans les cellules souches neurales, une carence en p16Ink4a restaure partiellement la capacité des cellules souches déficientes en Bmi1 à s’auto-renouveler. p16Ink4a agit sur la sénescence en empêchant la liaison de Cdk4/6 à la cycline D, inhibant l’activité kinase. Cela se traduit par une pRB hypophosphorylée, qui se lie ensuite à E2F et inhibe la transcription médiée par E2F, conduisant à l’arrêt du cycle cellulaire et à la sénescence.
Signalons que les cellules embryonnaires souches (ES) cultivées à partir de la masse cellulaire interne des blastocystes et les cellules souches pluripotentes induites (iPS) ne sont pas du tout quiescentes et prolifèrent de manière active in vitro.
Dernier point : le problème des télomères. Le raccourcissement progressif des extrémités des chromosomes, appelées télomères, est observée dans les cellules en culture et in vivo, et constitue une caractéristique établie du vieillissement qui est souvent appelée « horloge des télomères » (Harley et al., 1992). L’érosion des télomères se produit à cause des mécanismes de la réplication et du besoin d’une amorce pour l’ADN polymérase. Elle se produit dans les cellules qui manquent d’activité suffisante d’une enzyme appelée télomérase, dont le noyau catalytique est composé d’une transcriptase inverse (TERT) et d’un composant ARN intégral (TR) qui compensent la perte des séquences télomériques dues à la réplication. Sans télomérase, une baisse inexorable des séquences télomériques conduit finalement à ce que l’on appelle le décapage des télomères. Ce décapage provoque une réponse aux dommages à l’ADN qui entraîne une perte et/ou des réarrangements de matériel génétique et la mort (Lazzerini-Denchi et Sfeir, 2016; Muraki et al., 2012). Les cellules souches actives qui peuvent être amenées à se répliquer un grand nombre de fois au cours de la vie d’un individu courent évidemment le risque de tels phénomènes. Les cellules souches conservent une expression de TERT contrairement aux autres cellules mais cela ne peut pas complètement compenser le raccourcissement des télomères ce qui peut être une des causes du vieillissement et de la diminution de l’efficacité du renouvellement des cellules avec l’âge (Baerlocher et al., 2007; Lansdorp, 2008). Par exemple, de nombreuses déficiences du maintien du nombre de cellules sanguines au cours du vieillissement (anémie aplasique par exemple) sont liées à des mutations dans les gènes codant les télomérases ou des composants stabilisants des télomères (Calado et Young, 2008).
Le vieillissement peut aussi provenir de défauts non pas dans les cellules souches elles-mêmes mais dans leur niche comme le montrent les expériences de greffes de cellules souches âgées dans des niches « jeunes » et où elles reprennent une activité importante (Ge et al., 2020).

POUR COMPLETER CETTE PARTIE :
* Voir le paragraphe sur les cellules satellites : les cellules souches des tissus musculaires striés adultes
* Voir le chapitre sur la neurogenèse chez les mammifères adultes qui repose sur le maintien d’une population de cellules souches dans des régions précises du cerveau
* Voir le paragraphe sur l’histoire de l’étude et la production des cellules souches
* Voir le paragraphe sur les cellules souches pluripotentes induites (iPSC)
EN DIRECT DES LABOS
Présentation des travaux d’une équipe qui travaille sur l’évolution chez les animaux des cellules souches et de la régénération :
- Adhérence cellule-cellule
- Arabidopsis thaliana
- Axe antéro-postérieur chez la drosophile
- Caenorhabditis elegans
- Concepts principaux
- Contrôle de la traduction
- Contrôle de la transcription
- Contrôle génétique
- Croissance et guidage axonal
- Des modèles animaux moins classiques
- Développement et évolution
- Et l’Humain ?
- Exercices sur l’ovogenèse, la spermatogenèse et la fécondation
- Exercices sur le contrôle de l’expression des gènes
- Exercices sur le développement des bourgeons de membre
- Exercices sur le développement des muscles striés squelettiques
- Exercices sur les cycles et les divisions cellulaires
- Exercices sur les étapes du développement, les inductions embryonnaires et la mise en place des axes de polarité
- Exercices sur les matrices extracellulaires, le cytosquelette et les adhérences cellule-cellule
- Exercices sur les voies de signalisation
- Glossaire
- Hématopoïèse et développement des cellules du système immunitaire
- Histoire de la biologie cellulaire et de la biologie du développement
- L’acide rétinoïque
- L’apoptose
- L’organogenèse
- L’ovogénèse prépare le développement embryonnaire
- La drosophile
- La famille TGFβ et ses voies de signalisation
- La fécondation
- La formation des somites
- La gastrulation
- La métamorphose chez les Hexapodes et les Amphibiens
- La neurogénèse chez les mammifères adultes
- La neurulation
- La poule
- La souris
- La voie de signalisation de l’auxine et ses rôles
- La voie de signalisation Hedgehog
- La voie de signalisation Hippo et ses composants YAP/TAZ
- La voie de signalisation Notch
- Le clivage
- Le cytosquelette
- Le destin des cellules et les réseaux de régulation génique
- Le développement des bourgeons de membre
- Le développement des muscles striés squelettiques
- Le développement des organes génitaux et des cellules germinales
- Le développement du cortex
- Le méristème apical caulinaire en phase végétative et lors de la formation d’une fleur
- Le poisson zèbre
- Le xénope
- Les cellules des crêtes neurales
- Les cellules et les gènes en action dans le développement
- Les cellules tumorales
- Les cycles et les divisions cellulaires
- Les étapes du développement
- Les étapes du développement embryonnaire d’Arabidopsis thaliana et leur contrôle
- Les inductions embryonnaires et les gradients de morphogène
- Les matrices extracellulaires animales
- Les organismes modèles
- Les outils pour étudier l’expression et la fonction des gènes
- Les techniques et les outils pour la biologie cellulaire
- Les transitions épithélio-mésenchymateuses et les migrations cellulaires
- Les vésicules extracellulaires
- Les voies de signalisation
- Les voies de signalisation FGF
- Mise en place des axes chez les Vertébrés
- Structures et processus cellulaires
- Voies de signalisation WNT