La voie de signalisation Notch

par Patrick PLA, Université Paris-Saclay

Les ligands qui se lient et activent les récepteurs Notch sont des protéines transmembranaires, et donc l’activation de la signalisation Notch dépend des interactions directes de cellule à cellule (communication juxtacrine). Cette communication permet de limiter la signalisation aux interactions cellulaires locales et permet aux cellules de communiquer directement avec leurs voisines.

Néanmoins, au cours de certains processus de développement, il a été découvert que des ligands activent Notch exprimé à la surface de cellules situées à distance. Une telle signalisation à longue portée emprunte des projections cellulaires structurées par l’actine apparentées à des filopodes appelées cytonèmes pour délivrer des signaux d’activation à Notch sur des sites distants (de Joussineau et al., 2003).  Par exemple, la cellule de la pointe distale de C. elegans a de longs processus cellulaires qui contiennent le ligand Lag2 et s’étendent jusqu’aux cellules de la lignée germinale dont ils régulent la prolifération par l’activation de l’homologue Notch Glp1 (Fitzgerald et Greenwald, 1995).

***Structure des récepteurs Notch et de ses ligands. (A) Les quatre récepteurs Notch humains (NOTCH1-4) sont structurellement similaires. Tous les récepteurs possèdent des domaines extracellulaires de type EGF, et les quatre récepteurs partagent une similitude dans les domaines intracellulaires, mais NOTCH4 n’a pas le domaine TAD. (B) Tous les ligands humains de Notch des familles Delta-Like et Jagged contiennent DSL qui est le domaine d’interaction avec Notch. Les familles de ligands Notch peuvent être distinguées par le nombre de domaines extracellulaires de type EGF. Unique à la famille Jagged, une insertion de 24 acides aminés entre les 10e et 11e domaines de type EGF est présente chez JAGGED1 et JAGGED2. La région riche en cystéine est une autre caractéristique unique des ligands de la famille Jagged. À l’extrémité C-terminale de DLL1, DLL4 et JAGGED1 se trouve un motif PDZ. EGF : facteur de croissance épidermique ; LNR : répétitions lin-12/Notch ; HD : domaine d’hétérodimérisation ; NRR : Région de régulation négative ; RAM : module d’association RBPjκ ; NLS : Signal de localisation nucléaire ; TAD : domaine d’activation transcriptionnelle ; PEST : domaine riche en proline (P), acide glutamique (E), sérine (S), thréonine (T); DLL : de type Delta ; DSL : domaine Delta/Serrate/LAG-2 ; PDZ : protéine de densité post-synaptique (PSD95), suppresseur de grande tumeur du disque de drosophile (Dlg1) et Zonula occludens-1 (ZO-1). Source : https://doi.org/10.3390/biom11060849

L’activation de la voie de signalisation Notch nécessite une interaction physique entre un récepteur Notch et son ligand, qui provoque des réponses dépendantes du contexte cellulaire.

Plusieurs études cristallographiques et fonctionnelles montrent que l’interaction entre le domaine Delta/Serrate/lag-2 (DSL) des ligands de Notch et les domaines de type facteur de croissance épidermique (EGF) 10 et 11 du récepteur Notch est nécessaire à l’activation de la voie Notch.

**L’interaction entre le ligand et le récepteur de la voie Notch entraîne la transcription des gènes cibles de Notch dont le promoteur héberge CBF1. L’interaction du domaine DSL de DELTA-LIKE1 (DLL1) avec les 10ème et 11ème domaines de type EGF active l’endocytose de DLL1. Cela expose le site S2 de Notch au clivage par ADAM10 ou TACE. Avant l’activation de Notch, les gènes cibles de Notch sont réduits au silence par le recrutement de corépresseurs par CBF1. Le clivage S2 expose les acides aminés clés au clivage S3 par la γ-sécrétase, libérant le domaine intracellulaire NIC1 dans le noyau de la cellule cible. NIC1 se lie à CBF1 et déplace les corépresseurs et active l’expression du gène cible de Notch. ADAM10 : une désintégrine et métalloprotéase 10 ; CBF1 : facteur de liaison au promoteur C 1 (également appelé RBPjκ) ; NIC1 : domaine intracellulaire de NOTCH1 ; TACE : ADAM17/Enzyme de conversion du TNFα. Source : https://doi.org/10.3390/biom11060849

Lors de l’interaction récepteur-ligand, le ligand « attire » le récepteur Notch exposant ainsi un site spécifique à la base du domaine extracellulaire de Notch pour le clivage S2. L’endocytose du ligand lié est cruciale pour cette étape de l’activation de la voie Notch (Parks et al., 2000; Nichols et al., 2007) et c’est la force physique exercée par cette endocytose qui fait changer la conformation de Notch et expose le site de clivage S2. L’étape du clivage S2 est l’étape limitante de la succession d’événements qui va aboutir à la libération du domaine intracellulaire de Notch (NIC ou NICD). Deux métalloprotéases de la famille ADAM (A Disintegrin and Metalloprotéases) sont impliquées dans le clivage S2 : ADAM10 et ADAM17/TNF-α converting enzyme (TACE). Le knock-out d’ADAM10 ou de TACE est léthal à l’état embryonnaire, les embryons knock-out d’ADAM10 présentant des défauts similaires aux knock-outs du récepteur Notch (Hartmann et al., 2002). 

Le clivage séquentiel sur le site S2 expose davantage le NIC restant pour le clivage S3. La γ-sécrétase dépendante de la préséniline libère le NIC. Il existe une diversité au site de clivage S3, avec un clivage NIC observé à divers résidus d’acides aminés. Les fragments de NIC produits présentent des demi-vies et une activité Notch différentes, suggérant une spécificité du clivage S3 comme mécanisme de régulation de l’activation de Notch (Tagami et al., 2008).

Signalons qu’un clivage d’une autre protéine, APP, par la γ-sécrétase produit Aβ40 ou Aβ42 qui est un peptide formant des plaques amyloïdes extracellulaires qui sont impliqués dans la maladie d’Alzheimer.

Le domaine intracellulaire de Notch fonctionne directement comme transducteur de signal (Kopan et Ilagan, 2009). Il n’y a pas d’amplification par une cascade de phosphorylation contrôlée par des enzymes comme on peut le voir dans d’autres voies de signalisation. Dans le noyau, le domaine intracellulaire de Notch forme un complexe avec la protéine de liaison à l’ADN CSL (CBF1, Su(H), LAG1) et des coactivateurs transcriptionnels qui activent l’expression des gènes cibles de Notch tels que hairy et les gènes de la famille HES. Avant l’arrivée du domaine intracellulaire de Notch, CBF1 fonctionne comme un répresseur de la transcription. Après, il y a recrutement d’activateurs au complexe tels que les protéines de la famille Mastermind. L’absence de Mastermind 1 chez la souris provoque des déficiences dans le développement dans les lymphocytes dont on sait qu’ils nécessitent une activation de la voie Notch (Oyama et al., 2007).

**EMSA montrant la formation du complexe Mam-domaine intracellulaire de Notch (NotchIC)-RBP-J (RBP-J est l’autre nom de CBF1) sur ses éléments promoteurs cibles (un fragment du promoteur de Hes1). Des extraits protéiques de cellules 293T transfectées avec les vecteurs d’expression pour les protéines indiquées présentent des protéines qui se lient à l’élément RBP-J du promoteur Hes1, retardant la migration de cet ADN sur un gel non dénaturant (pour préserver la conformation des protéines et l’interaction avec l’ADN). Signalons que l’identité des protéines fixées à l’ADN est corrélative et qu’il faudrait les identifier formellement avec un anticorps. Source : Kitagawa, 2015

La famille Hes des répresseurs transcriptionnels à hélice-boucle-hélice basique (bHLH) (Hes1, Hes3 et Hes5) agit en aval de la signalisation Notch (Kageyama et Ohtsuka, 1999). Ces répresseurs inhibent fortement la différenciation neuronale et maintiennent les cellules souches neurales dans le cerveau des mammifères en développement en réprimant l’expression des facteurs proneuraux tels que Ascl1 et Neurog1/2 (Ohtsuka et al., 1999 ; Hatakeyama et al., 2004).

*Neurogenèse prématurée chez les doubles mutants Hes1-/-;Hes5-/-. (A) Dans les souris sauvages, les cellules souches neurales prolifératives (Ki67+) sont situées dans toute la paroi tandis que les neurones (TuJ1+) résident dans la couche externe à E10.5. (E) Chez les doubles mutants Hes1-/-;Hes5-/-, il existe de très nombreux neurones (TuJ1+) tandis que le nombre de cellules souches neurales (Ki67+) sont significativement diminuées. (B-D, F-H) L’analyse par hybridation in situ montre que l’expression de Dll1, Mash1 (autre nom plus utilisé actuellement = Ascl1) et Math3, des gènes proneuraux est fortement activée chez les doubles mutants Hes1-/-; Hes5-/- (F-H), par rapport au type sauvage (B-D). Barre d’échelle : 100 µm. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/131/22/5539/52460/Hes-genes-regulate-size-shape-and-histogenesis-of

Les souris mutantes Hes1-/- présentent des phénotypes sévères provoqués par une différenciation neuronale accélérée, tandis que les souris mutantes Hes3-/- ou Hes5-/- ne présentent que des phénotypes légers en raison de la compensation par Hes1 dont l’expression est augmentée (Cau et al., 2000).

Des voies de signalisation à partir de Notch « non canoniques » ont été mises en évidence. Par exemple, lorsqu’il fixe Delta, Notch favorise la croissance et le guidage des axones pionniers dans l’embryon de Drosophile (les axones qui relient deux segments différents) en supprimant localement la signalisation Abl (Crowner et al., 2003; Kuzina et al., 2011). Pour ce faire, Notch se lie à deux composants en amont de la voie Abl (Le Gall et al., 2008) et les inhibent : la protéine adaptatrice Disabled (Dab), qui localise la protéine Abl et stimule son activité kinase et le facteur d’échange de guanine (GEF) Trio, qui active la signalisation dépendante d’Abl par la GTPase Rac.

Les récepteurs Notch ont plusieurs ligands. Par exemple, deux ligands (Delta et Serrate) existent chez la drosophile et cinq (DLL1, DLL3, DLL4, JAG1 et JAG2) se trouvent chez l’homme. L’existence de plusieurs ligands explique, en partie, la régulation spatio-temporelle de l’activité de Notch, et peut également contribuer à moduler les niveaux et la durée des signaux. Différents ligands peuvent également déclencher des réponses distinctes via le même récepteur Notch. Par exemple, les ligands Jagged et Delta conduisent à des destins différents lors de la détermination cellulaire au cours du développement de l’oreille interne, de l’angiogenèse et de l’hématopoïèse (Benedito et al., 2009 ; Petrovic et al., 2014). Par exemple, les cellules souches hématopoïétiques (CSH) se développent à partir de cellules à caractères endothéliales dans la paroi de l’aorte de l’embryon. Jagged1 active faiblement la voie Notch dans certaines cellules qui vont alors inhiber le programme de différenciation endothélial et activer le programme de transformation en CSH, tandis que les cellules qui interagissent avec DLL4 activent fortement la voie Notch et s’engagent définitivement dans la différenciation endothéliale (Gama-Norton et al., 2015).

**Jagged 1 et Delta 4 ont des effets opposés sur la capacité des cellules à former des cellules souches hématopoïétiques (a) Principe de l’expérience : des cellules d’embryons de souris à E10.5 CD31+CD45-Ter119- (des cellules pouvant donner soit des cellules souches hématopoïétiques, soit des cellules endothéliales) ont été purifiées par FACS et incubées dans le milieu avec des anticorps bloquants anti-Dll4 ou anti-Jag1 ou des anticorps contrôles pendant 7 jours. (b) Les graphiques représentent le changement moyen du nombre total de cellules obtenu après culture avec anti-Dll4 ou anti-Jag1 par rapport aux cultures avec l’anticorps contrôle. Les cellules CD31+c-KitCD45 sont des cellules endothéliales, les cellules CD31+c-kit+CD45 et CD45+ sont des cellules souches hématopoïétiques à divers stades de maturation (c) Nombre relatif de progéniteurs hématopoïétiques obtenus en b (testés par la capacité à former des colonies de cellules hématopoïétiques). Source : https://www.nature.com/articles/ncomms9510

Egalement, la signalisation par un ligand fort peut être réduite lors de l’expression d’un deuxième ligand qui active un signal plus faible, car ce ligand est en compétition avec le premier pour se lier à Notch (Benedito et al., 2009 ; Petrovic et al., 2014). De plus, les glycotransférases Fringe augmentent l’affinité entre les récepteurs Notch et les ligands (Panin et al., 1997), fournissant une couche régulatrice supplémentaire.

L’expression des ligands de Notch est quelque fois sous le contrôle de la voie de signalisation Notch elle-même. Par exemple, durant le développement de l’oreille interne des vertébrés, la voie Notch active l’expression de Jag1 et de Dll4 mais inhibe l’expression de Jag2 et de Dll1 (Kiernan et al., 2001; Neves et al., 2011).

Les ligands de Notch peuvent être clivés par des protéines de la famille ADAM, créant de formes solubles de ligands, ce qui a pour effet de diminuer le signal activateur de Notch (Zolkiewska, 2008). Par exemple lors du développement de l’aile de drosophile, l’orthologue d’ADAM10, Kuzbanian-like (Kbl) est nécessaire pour cliver Delta et permettre un développement normal de la marge et des « veines » de l’aile (Sapir et al., 2005).

**Des protéases de la famille ADAM sont capables de cliver Delta. Des cellules S2 d’insectes ont été transfectées avec des vecteurs permettant d’exprimer Delta et des protéines de la famille ADAM Kul, Kuz, dTACE et Dmeltrin. Un western-blot est réalisé à partir du surnageant (medium) et d’un extrait cellulaire (cells) avec un anticorps anti-Delta. Remarquez l’apparition d’une forme tronquée de Delta (64 kDa au lieu de 98 kDa) dans le surnageant en présence des protéases (à l’exception de Dmeltrin). Source : https://journals.biologists.com/dev/article/132/1/123/42813/Unidirectional-Notch-signaling-depends-on

Les récepteurs Notch et ses ligands sont largement exprimés au cours du développement et, dans de nombreux cas, les cellules en interaction expriment à la fois des ligands et des récepteurs. Les cellules prennent des destins différents car la signalisation Notch est constamment activée dans une seule des deux cellules en interaction, ce qui indique que la polarité de signalisation doit être hautement régulée. On pense que les niveaux relatifs de Notch et de ses ligands présents sur les cellules en interaction établissent la polarité de signalisation nécessaire pour garantir que les destins cellulaires corrects sont générés au bon moment du développement. Chez l’homme, l’haploinsuffisance de Jagged1 ou Notch2 est associée au syndrome d’Alagille, caractérisé par des défauts de développement du foie, du cœur, du squelette et des yeux  (McDaniell et al., 2006), tandis que l’haploinsuffisance de Notch1 est impliquée dans un sous-type de maladie aortique héréditaire (Garg et al., 2005). Dans ces différents cas, l’un des allèles permet toujours de générer une protéine fonctionnelle mais en quantité moindre qu’avec deux allèles normaux donc on voit bien l’importance de la quantité de protéines produites.

Le niveau de l’activité Notch peut aussi réguler l’état d’une population de cellules souches. Par exemple, dans la zone ventriculaire télencéphalique du poisson zèbre adulte, les cellules souches neurales oscillent entre un état de quiescence et le recrutement et ce sont les niveaux de la lente oscillation de l’activité Notch qui dirige ce changement d’état (Chapoton et al., 2010).

**L’inhibition de l’activité Notch déclenche un passage des cellules souches d’un état quiescent à un état prolifératif. Les poissons-zèbres traités avec le solvant (a, c, f, g) et les poissons traités avec 40 µM de DAPT (b, d, h, i), un inhibiteur de la γ-sécrétase, qui empêche donc le clivage de Notch et sa signalisation ont été comparés. a, b, vue d’ensemble sur une coupe transversale télencéphalique, d’un poisson-zèbre gfap:GFP (GFAP est exprimé dans la glie radiaire, c’est-à-dire dans les cellules souches neurales) et coloré par immunofluorescence contre PCNA (rouge), un marqueur de prolifération. On relève la densité accrue de cellules PCNA-positives le long de la zone ventriculaire chez les poissons traités par DAPT. c, d, zone ventriculaire télencéphalique dorsale de gfap : GFP, contrôle (c) ou poisson traité au DAPT (d), révélant une augmentation des cellules de l’état prolifératif (PCNA, rouge ; GFP, vert) au sein de la population de cellules positives pour la GFAP. Source : https://www.jneurosci.org/content/30/23/7961

En plus, ce sont les progéniteurs en division (c’est-à-dire les cellules recrutées qui ont perdu leur caractère de cellules souches et qui, après prolifération, vont se différencier en neurones) qui sont la source de ligands pour Notch, imposant une quiescence transitoire aux cellules souches voisines. C’est un mécanisme d’auto-régulation : quand il y a trop de progéniteurs, ils activent un signal dans les cellules souches pour les remettre dans un état de quiescence et pour produire moins de progéniteurs. Cela permet de maintenir un équilibre entre population de cellules quiescentes et population de cellules prolifératives.

La voie de signalisation Notch est aussi impliquée dans le contrôle du nombre de cellules satellites (les cellules souches qui permettent de régénérer le tissu musculaire squelettique strié).

**Rôle dans le maintien des cellules satellites de Hey1 et HeyL, des effecteurs de la voie Notch. On étudie les muscles de souris où HeyL est absent et où le gène Hey1 est soit présent à l’état hétérozygote (contrôle, Cont), soit totalement délété de manière inductible dans les cellules satellites grâce au système CreLox (co-dKO). Les cellules du tissu musculaire sont étudiées en FACS et la fraction correspondant aux cellules satellites est caractérisée par une forte expression du marqueur SM/C2.6 et une faible expression de Sca-1 (encadré sur les résultats du FACS). On constate que cette fraction est plus faible en absence de Hey1 et de HeyL. Ne pas tenir compte des graphes FSC et SSC. En bas, coupe transversale d’un muscle injecté (ou non) 14 jours auparavant avec de la cardiotoxine (CTX) qui induit une lésion musculaire. Dans le muscle des souris contrôles, on constate une très bonne régénération alors que dans les muscles où Hey1 et HeyL sont absents dans les cellules satellites, la régénération ne s’est pas bien faite et de la matrice fibreuse riche en collagène a remplacé le tissu musculaire. Cela est du à un nombre insuffisant de cellules satellites. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/146/4/dev163618/49002/Cell-autonomous-and-redundant-roles-of-Hey1-and

Des études chez la drosophile et C. elegans ont identifié des mécanismes de rétroaction transcriptionnelle positifs et négatifs qui amplifient de petites différences dans l’expression de Notch et de ses ligands qui introduisent un biais pour déterminer laquelle des cellules en interaction va envoyer ou recevoir le signal Notch (Seugnet et al ., 1997).  Des boucles de rétroaction peuvent également faire osciller la signalisation Notch dans les cellules (Lahmann et al., 2019 ; Seymour et al. ., 2020).

Numb est un antagoniste de la signalisation Notch. Il agit en empêchant la localisation de Sanpodo sur la membrane cellulaire. Or Sanpodo est nécessaire à la bonne activation de Notch (O’Connor-Giles et Skeath, 2003).

***Action de la protéine Numb sur Sanpodo lors d’une division asymétrique. Dans la cellule A, Sanpodo (Spdo) se localise à la membrane plasmique, où il favorise l’activation de la signalisation Notch par Delta. Dans la cellule B, la présence de Numb inhibe la localisation membranaire de Spdo. En l’absence de protéine Spdo à la membrane cellulaire, une signalisation Notch efficace ne se produit pas dans la cellule B malgré la présence de Delta dans la cellule voisine. Source : https://www.cell.com/developmental-cell/fulltext/S1534-5807(03)00226-0

L’un des principaux modèles où Numb (et Notch) a été étudié est la neurogenèse chez la drosophile. Le développement du système nerveux central de la drosophile commence dans l’ectoderme ventrolatéral, dans la région dite neurogénique où théoriquement toutes les cellules groupées en cluster exprimant le gène achaete-scute (orthologue de Ascl1) peuvent participer au système nerveux. Les interactions cellulaires médiées par Notch régulent la sélection de cellules souches neurales individuelles ou neuroblastes (NB) au sein du cluster. Ce processus s’appelle l’inhibition latérale et les cellules qui ont la voie Notch la moins activée deviennent les NB et inhibent l‘expression des gènes proneuraux dans les cellules voisines où la voie Notch est plus activée.

*Inhibition latérale par la voie Notch. Initialement, toutes les cellules sont équivalentes, à la fois émettrices et réceptrices mais l’une des cellules va exprimer plus de Delta (car elle exprime un peu plus du facteur de transcription achaete-scute (ou Ascl1) qui active l’expression de Delta). Cette cellule va plus activer la voie Notch dans les cellules voisines. Cela va avoir pour effet d’y inhiber l’expression des gènes proneuraux mais aussi l’expression de Delta, amplifiant le processus. La signalisation Notch agit via les facteurs de transcription Hes (ou E(spl), enhancer of split chez la drosophile). NICD = domaine intracellulaire de Notch. D’après https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphys.2020.00929/full

Chaque NB subit ensuite une série de divisions asymétriques pour se régénérer (caractère de cellule souche) et produire une cellule précurseur secondaire plus petite, connue sous le nom de cellule mère ganglionnaire (GMC). Les NB régénérés continuent de se diviser, chaque cycle de division produisant un NB et un GMC spécifié de manière unique. Enfin, chaque GMC se divise de manière asymétrique pour produire des neurones frères qui acquièrent des destins distincts A et B. La capacité des GMC à se diviser de manière asymétrique dépend de la présence d’une signalisation Notch active dans la cellule A et de l’absence de signalisation Notch dans la cellule B. L’activation différentielle de la signalisation Notch dans les neurones A et B nécessite la localisation asymétrique du déterminant Numb dans les GMC, sa ségrégation ultérieure à une seule cellule fille (la cellule B) et la capacité de Numb à bloquer le signal Notch (Buescher et al. 1998, Schuldt et Brand 1999). On voit ainsi que Numb agit souvent comme un déterminant du destin cellulaire (Knoblich, 2010). La machinerie cellulaire qui permet de la localiser dans une seule des cellules filles lors des divisions asymétriques commencent à être bien connus.

**Protéines impliquées dans les divisions asymétriques et conséquences sur la voie Notch. Source de la partie gauche du schéma

Des cas de cis-inhibitions ont été rapportés : les ligands et les récepteurs Notch co-exprimés dans la même cellule s’inhibent mutuellement, supprimant la signalisation intercellulaire (Sprinzak et al., 2010 ; del Álamo et al., 2011 ; Fiuza et al., 2010).

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***La co-expression du ligand avec Notch inhibe l’activité de signalisation de Notch. A : Disques imaginaux d’aile de drosophile avec des clones Ser−/Dl− marqués par l’expression de la GFP [A,D,G et vert dans C,F,I]. cela veut dire que les cellules fluorescentes vertes n’expriment plus de ligands de Notch alors que les autres cellules l’expriment. L’expression de Wingless [B,E,H et rouge dans C,F,I] qui est un gène cible de la voie de signalisation Notch nous permet de savoir si cette signalisation est active. Notez que la signalisation Notch ectopique est observée dans les cellules sans ligands bordant les cellules de type sauvage (cellules jaunes qui correspond à la superposition de la fluorescence rouge et verte) B : Analyse de l’inhibition induite par le ligand sur l’activité de signalisation de Notch dans des tests de rapporteurs cellulaires (cellules qui émettent des photons produits par la luciférase quand la voie de signalisation Notch est active, en ordonnées des graphiques). Dans le premier graphique, les cellules avec le gène rapporteur expriment Notch seul ou Notch et Serrate (Ser, un ligand) et des cellules voisines expriment ou non Serrate. Dans le deuxième graphique, le principe est le même mais avec le ligand Delta (Dl). Dans les cellules rapportrices on exprime aussi Fringe (Fng) qui renforce la signalisation Notch et qui la rend plus détectable. Source : https://anatomypubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/dvdy.22207

Une telle « inhibition cis » est importante dans divers processus de développement, notamment la neurogenèse, la formation des ailes chez la drosophile et le maintien des cellules souches épidermiques humaines postnatales (Micchelli et al., 1997 ; Jacobsen et al., 1998 ; Franklin et al. al., 1999; Lowell et al., 2000). Cependant, quelques interactions cis activatrices ont été observées. Tout dépend du contexte cellulaire (Nandagopal et al., 2019).

En résumé, la voie de signalisation Notch est le principal régulateur des décisions binaires concernant le destin des cellules au cours du développement embryonnaire (Henrique et Schweisguth, 2019).

Voir le chapitre sur la formation des somites où la voie Notch joue un rôle important.

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