Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay
Le cytosquelette est un réseau de fibres protéiques dans le cytosol et aussi dans le nucléoplasme. Il assure une fonction de soutien de structures cellulaires (comme les microvillosités) et de cohésion des tissus (via les jonctions adhérentes auxquelles il participe), permet les déformations cellulaires transitoires et la mobilité cellulaire (migration cellulaire, déplacement des spermatozoïdes…) et assure la mise en mouvement de structures intracellulaires (organites, vésicules, chromosomes lors de la division cellulaire…).
En résumé, le cytosquelette est la charpente de l’architecture de la cellule et contrôle ses mouvements et les mouvements de ses structures internes. Il est composé de microfilaments (actine F), de microtubules (tubuline) et de filaments intermédiaires.

La nature dynamique du réseau de microfilaments et de microtubules est une propriété fondamentale pour de nombreuses fonctions assurées par le cytosquelette.
Les microfilaments d’actine
L’actine est une famille de protéines globulaires multifonctionnelles qui forment des microfilaments dans le cytosquelette et des filaments minces dans les fibrilles musculaires. On la trouve dans pratiquement toutes les cellules eucaryotes, où elle peut être présente à une concentration supérieure à 100 µM; sa masse est d’environ 42 kDa, avec un diamètre de 4 à 7 nm. C’est la protéine la plus abondante dans un grand nombre de cellules animales (à commencer par les cellules musculaires mais pas seulement). C’est aussi l’une des protéines dont la séquence est la plus conservée chez les Eucaryotes.
Chez les vertébrés, il y a trois groupes principaux d’isoformes d’actine : l’α-actine, qui se trouve dans les structures contractiles musculaires; la β-actine, trouvée aux bords en expansion des cellules qui produisent des protrusions pour se déplacer (lamellipodes…) ; et la γ-actine, qui se trouve dans les filaments des fibres de tension.
Dynamique en temps réel de l’ARNm de la β-actine dans une cellule en migration. La technique de marquage MS2-GFP (MS2 est une protéine qui a une forte affinité pour les ARN et que l’on peut cibler sur un ARNm particulier) a été utilisée pour visualiser l’ARNm endogène de la β-actine. La carte des couleurs montre l’intensité de fluorescence représentant la concentration d’ARNm de β-actine (Hye Yoon Park and Robert H. Singer, Albert Einstein College of Medicine).
Une protéine d’actine est la sous-unité monomérique des microfilaments. L’actine peut être présente sous forme de monomère libre appelé actine G (globulaire) ou dans le cadre d’un microfilament, sous la forme d’un polymère linéaire appelé actine F (filamenteux) qui fait 7 nm de diamètre. L’incorporation d’une molécule d’actine G dans un microfilament se fait avec l’hydrolyse d’un ATP. Les monomères d’actine G s’agencent selon une hélice dextre avec des liaisons non covalentes. Un tour d’hélice est formé de 13 monomères. Deux brins F-actine parallèles doivent pivoter de 166 degrés pour être correctement placés l’un sur l’autre. Cela crée la structure en double hélice des microfilaments trouvés dans le cytosquelette.

De nombreuses protéines interagissent avec l’actine et elles peuvent être classifiées en plusieurs catégories :
(1) celles qui permettent la nucléation d’un nouveau mircofilament (Arp2/3, formines…)
(2) celles qui régulent la polymérisation/dépolymérisation de microfilaments pré-existants (profiline, ADF/cofiline…)
(3) celles qui permettent un assemblage de plusieurs microfilaments (fimbrine, villine, α-actinine…)
(4) celles qui utilisent les microfilaments pour des mouvements ou le transport (myosines…)
Des facteurs de nucléation sont nécessaires pour stimuler la polymérisation de l’actine. Un de ces facteurs de nucléation est le complexe Arp2/3, qui imite un dimère de G-actine afin de stimuler la nucléation (ou la formation du premier trimère) de la G-actine monomère. Le complexe Arp2/3 se lie aux filaments d’actine à 70 degrés pour former de nouvelles branches d’actine à partir des filaments d’actine existants. La nucléation médiée par Arp2/3 est nécessaire pour la migration cellulaire.


Un lamellipode est une protrusion cellulaire générée par la force de la polymérisation des microfilaments contre la membrane plasmique. Dans le cas où il est soumis à une force de compression (rencontre d’un obstacle par exemple) qui plie les microfilaments d’actine, les nouveaux microfilaments générés grâce à Arp2/3 seront préférentiellement orientés pour croître contre la force et les microfilaments orientés plus latéralement verront leur croissance arrêtée (Winkelman et al., 2020). Le réseau de microfilaments en croissance réagit ainsi rapidement aux contraintes mécaniques subies par la cellule.

Arp2/3 sont également importants pour l’organisation du réseau de microfilaments chez les plantes et leur absence cause de multiples défauts de morphogenèse (dans l’épiderme, les trichomes, les poils absorbants notamment) (Mathur et al., 2003).

Les formines constituent une autre famille impliquée dans la nucléation des microfilaments d’actine. Ils agissent en aval de la signalisation activée par la petite GTPase RhoA. Les souris qui n’ont plus Fhod3, un membre de la famille des formines, ne sont pas capables de refermer leur tube neural lors de la neurulation car la constriction apicale qui dépend de l’actine dans les cellules de la plaque neurale ne peut pas se faire correctement.

La dynamique de polymérisation de l’actine peut être modifiée. La profiline est une protéine qui aide l’actine F à se polymériser du côté barbelé du microfilament existant. Elle permet d’échanger un ADP contre un ATP qui est indispensable à la polymérisation. La protéine ADF (pour Actin Depolymerizing Factor) ou destrine accélère le “tapis roulant” de l’actine, c’est-à-dire la dépolymérisation du côté pointu, augmentant la concentration d’actine G, ce qui provoque l’accélération de la polymérisation du côté barbelé.

D’autres protéines de la même famille qu’ADF, les cofilines, ont des fonctions similaires. Lorsqu’elles sont phosphorylées sur la sérine 3, elles sont incapables de se fixer avec une affinité suffisante sur les microfilaments, ce qui permet à la cellule contrôler leur activité (Elam et al., 2017).

Les protéines CP dites de capping, quant à elles, bloquent les côtés barbelés ce qui inhibe la croissance des microfilaments avec CP et favorise ainsi la croissance des microfilaments sans CP.
La capacité d’une cellule à former ou à détruire de manière dynamique des microfilaments fournit l’échafaudage qui lui permet de se remodeler rapidement en réponse à son environnement ou aux signaux internes de l’organisme. Les monomères formant l’actine sont reliés par des liaisons faibles et non covalentes d’où la rapidité et la réactivité en ce qui concerne la polymérisation et la dépolymérisation.
Les microfilaments peuvent être organisés en faisceaux parallèles (comme dans les microvillosités de certaines cellules épithéliales), en réseaux maillés (comme dans les lamellipodes ou dans le réseau sous-membranaire) ou en faisceaux contractiles (comme dans les fibres musculaires ou dans les cellules en migration).



Le réseau d’actine dans une cellule peut être visualisé grâce à la phalloïdine couplée à un fluorophore. La phalloïdine est un peptide bi-cyclique extrait du champignon Amanita phalloides, l’amanite phalloïde. Elle se lie spécifiquement aux filaments d’actine, empêchant sa dépolymérisation et empoisonnant la cellule. Cette propriété de liaison avec l’actine lui permet d’être utilisé en imagerie cellulaire afin de visualiser les polymères d’actine quand la phalloïdine est couplée avec des molécules fluorescentes comme l’Alexa 488 (émet dans le vert) ou l’Alexa 555 (émet dans le rouge).
Dans les cellules mésenchymateuses en migration, entre 10 et 30 microfilaments d’actine peuvent s’associer et former des fibres de tension (ou fibres de stress). Ces fibres sont reliées aux points focaux d’adhérence qui servent de points d’appui de la cellule sur la matrice extracellulaire.



L’actine participe à de nombreux processus cellulaires importants. Citons la contraction musculaire, la motilité cellulaire, le guidage axonal, la division cellulaire, notamment la cytokinèse (ou cytodiérèse), la signalisation cellulaire et l’établissement et le maintien des jonctions cellulaires et de la forme cellulaire. Beaucoup de ces processus sont médiés par des interactions de l’actine avec des complexes protéiques associées aux membranes cellulaires.
Dans la contraction musculaire, l’actine polymérisée se lie à une autre protéine, la myosine. Cette dernière s’accroche au polymère d’actine et la fait coulisser par rapport à elle; à l’autre bout du filament de myosine, un autre filament d’actine procède de façon symétrique; les deux filaments d’actine se rapprochent donc l’un de l’autre, c’est la contraction musculaire.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarcom%C3%A8re#/media/Fichier:Sarcomere_FR.svg
Dans les cellules musculaires striés squelettiques, l’actine interagit avec la troponine et la tropomyosine qui rendent l’interaction avec la myosine dépendante de la présence de Ca2+ dans le cytosol.

L’interaction actine/myosine qui se passe à grande échelle lors de la contraction des muscles peut se passer à plus petite échelle avec de la myosine dite non musculaire lors de la déformation des cellules, comme par exemple lors de la constriction apicale nécessaire pour la formation des cellules en bouteille au cours de la gastrulation des amphibiens ou pour la formation du tube neural lors de la neurulation. L’interaction actine/myosine joue aussi un rôle dans la migration. Pour s’associer à l’actine et se déplacer sur le microfilament, la myosine doit avoir sa chaine légère phosphorylée par des kinases de type ROCK (pour Rho-associated protein kinase). Le mécanisme est donc différent de la contraction musculaire.
VOIR LE CHAPITRE SUR LES MIGRATIONS CELLULAIRES
L’actine joue un rôle dans la phase finale de la mitose et des divisions méiotiques : la cytodiérèse. Elle forme l’anneau contractile permettant de séparer les cellules-filles. La constriction de cet anneau est fondamentale. L’anneau contractile est composé de faisceaux de filaments d’actine se chevauchant dans des orientations mixtes, de moteurs myosine-II non musculaires, de protéines de réticulation et de protéines d’échafaudage. C’est l’activité équatoriale de la petite GTPase RhoA qui contrôle la mise en place de ces faisceaux de filaments d’actine (Nishimura et al., 2006). Le recrutement et l’activation de la myosine II se fait par ROCK qui est activé par RhoA (Matsumura, 2005).

Pendant longtemps, il a été suggéré que la constriction annulaire est entraînée par un glissement relatif des filaments d’actine propulsé par la myosine, analogue à la contraction du sarcomère musculaire. Mais contrairement aux sarcomères musculaires, l’orientation des filaments d’actine formant l’anneau est désordonnée. Des facteurs supplémentaires sont donc nécessaires pour expliquer le fonctionnement des anneaux contractiles. Il est intéressant de noter que les phases de la constriction de l’anneau se sont révélées indépendantes de la myosine-II. Par exemple, dans les embryons de C. elegans, la constriction se poursuit après l’inactivation conditionnelle de la myosine-II et dans les embryons de drosophile, une phase indépendante de la myosine-II a été identifiée lors du clivage. De plus, plusieurs organismes manquent complètement de myosine-II. Les sources possibles de la force motrice sous-jacente aux mécanismes de constriction indépendants de la myosine pourraient être des protéines de réticulation de l’actine et du désassemblage des filaments d’actine. L’anilline, une protéine d’échafaudage et de réticulation de l’actine non motrice hautement enrichie dans l’anneau contractile pendant la cytokinèse est impliquée. Elle entraîne de manière autonome le glissement relatif des filaments d’actine et se couple avec le désassemblage des filaments d’actine pour générer la contractilité. L’anilline est contrôlée par la petite GTPase Rho.

Signalons que dans les ovocytes de Mammifères, il n’y a pas de centrioles et bien que des microtubules dits acentriolaires s’organisent, ils ne sont pas aussi longs que les microtubules astraux que l’on trouve habituellement lors de la mitose. Par conséquent, le positionnement du fuseau méiotique très excentré (qui va produire un globule polaire) ne peut dépendre que marginalement des microtubules mais dépend essentiellement des microfilaments d’actine. Deux éléments interviennent : un premier réseau d’actine initiée par les nucléateurs Formine-2 et Spire1/2 puis un autre réseau initié par Arp2/3 (Azoury et al., 2008; Pfender et al., 2011, Holubcova et al., 2013; Chaigne et al., 2013). La myosine-II en interaction avec l’actine, tire le fuseau mitotique vers la partie corticale de l’ovocyte (Simerly et al., 1998), ce qui permet d’excentrer fortement les chromosomes et permet la division très asymétrique donnant naissance à un ovocyte et à un globule polaire.
Des parasites intracellulaires tels que Listeria sont capables de détourner la machinerie cellulaire qui contrôle la polymérisation de l’actine pour former des microfilaments derrière eux, ce qui permet de les propulser.
Chez les végétaux, le réseau de microfilaments d’actine est impliqué dans de nombreux processus morphogénétiques à l’échelle cellulaire, notamment le développement des trichomes à la surface des feuilles (Mathur et al., 1999) et le développement des poils absorbants dans les racines (Takatsuka et Ito, 2020).

La croissance du tube pollinique est également sous la dépendance du comportement dynamique du réseau de microfilaments d’actine, notamment pour le contrôle de l’exocytose polaire qui permet cette croissance. Le dynamisme des microfilaments est sous le contrôle de GTPase de type Rho, ROP1 (Qin et Yang, 2011).

Dans les cellules photosynthétiques, lorsque la source de lumière change de position, les chloroplastes se déplacent de telle manière à absorber la lumière de manière optimale : maximum d’absorption dans la pénombre mais minimum d’absorption en lumière vive. Ce mouvement induit par la lumière et l’ancrage final des chloroplastes dépend des microfilaments (Kadota et al., 2009). Chez certaines plantes, un maillage de filaments d’actine enveloppe les chloroplastes lorsqu’ils sont ancrés et cette disposition se transforme en une disposition plus linéaire lorsque les chloroplastes se déplacent. La protéine CHUP1 fait le lien entre les chloroplastes et les microfilaments d’actine (Kong et al., 2020).

Le réseau de microtubules

Les microtubules sont des fibres creuses de 24 nm de diamètres, formées de 13 protofilaments, chacun formés d’hétérodimères de tubuline α et β.

Les microtubules sont polarisés avec un pôle + très dynamique et un pôle – plus stable. L’allongement de l’extrémité + se fait par ajout de dimères α-β-tubuline et hydrolyse du GTP lié à la β-tubuline en GDP+Pi. L’hydrolyse a lieu avec un petit retard par rapport à l’incorporation générant une coiffe GTP qui est importante pour la stabilité des microtubules (Brouhard et Rice, 2018).


L’agencement général du réseau microtubulaire d’une cellule est sous le contrôle d’un centre organisateur, le centrosome, un complexe protéique organisé autour de 2 centrioles. De là, rayonnent les microtubules avec leurs extrémités – du côté du centrosome.



(A) Les molécules de γ-tubuline (jaune) dans le γ-TuRC sont positionnées dans une hélice à un tour via leur liaison aux protéines GCP (bleu). (B)
Les molécules de γ-tubuline se lient aux dimères α / β-tubuline provenant du cytosol et cela favorise l’interaction latérale entre les dimères α / β-tubuline à mesure qu’ils se transforment en protofilaments (un protofilament est une seule chaîne bout à bout de dimères de tubuline). (C) L’assemblage des microtubules progresse lentement à travers une étape instable où le démontage est plus probable que l’assemblage continu (comme indiqué par l’épaisseur des flèches bidirectionnelles). (D) L’assemblage finit par atteindre un stade stable, où un microtubule contenant suffisamment de dimères de tubuline s’est formé. (E) Une fois cette étape passée, la polymérisation des microtubules est favorisée et peut progresser rapidement. Source : https://portlandpress.com/essaysbiochem/article/62/6/765/78500/Microtubule-nucleation-by-tubulin-complexes-and
La réplication du centrosome est une importante étape préliminaire pour la mitose, sachant le rôle important que les fuseaux de microtubules jouent durant la division cellulaire. Cette réplication est coordonnée avec la réplication de l’ADN par la CyclineE-CDK2 (Hanashiro et al., 2008). Le processus est semi-réplicatif (comme pour l’ADN) : un nouveau centrosome est formé d’un ancien centriole associé à un nouveau. Des mécanismes de contrôle permettent de s’assurer que le centrosome ne s’est répliqué qu’une seule fois par cycle cellulaire.

Néanmoins, le centrosome n’est pas nécessaire pour que se forment des microtubules. Si on le détruit avec un laser, des microtubules se formeront ailleurs mais le réseau sera moins organisé. Les cellules végétales n’ont pas de centrosome (mais ont tout de même le complexe TuRC (Tubulin Ring Complexe avec la γ-tubuline pour initier la formation des microtubules).
De l’autre côté, du côté positif, les protéines EB se fixent sur la coiffe GTP et contrôlent la dynamique du réseau (Akhmanova et Steinmetz, 2015).
Les tubulines sont particulièrement abondante dans les neurones (jusqu’à 20 % des protéines totales). Ce sont les microtubules qui soutiennent les prolongements que constituent les dendrites et l’axone avec de nombreuses protéines régulatrices associées.

La stabilité des microtubules est contrôlée par des modifications post-traductionnelles de certains acides aminés des tubulines (acétylation, glutamylation, tyrosination…) et par l’association avec des MAP (pour Microtubule Associated Proteins).

La plupart des modifications post-traductionnelles concerne la partie C-terminale des tubulines qui est justement de l’interaction avec les MAP mais aussi avec les moteurs moléculaires (Song et Brady, 2015). Dans les neurones, MAP2 et MAP4 ainsi que la protéine TAU s’associent aux microtubules sur toute leur longueur, et réduisent fortement la probabilité de déclenchement de la « catastrophe », c’est-à-dire de la dissociation rapide des microtubules.

Des mutations hétérozygotes et faux-sens des gènes codant la tubuline α ou β sont associées à un large éventail de malformations du cerveau humain, appelées tubulinopathies. Par exemple, deux mutations au niveau de la valine 409 de TUBA1A, V409I et V409A ont été identifiées chez des patients atteints respectivement de pachygyrie (circonvolutions du cortex trop peu nombreuses) et de lissencéphalie (criconvolutions du cortex absentes). L’expression ectopique des mutants TUBA1A-V409I/A perturbe la migration neuronale chez la souris et déclenche une ramification excessive des neurites dans les cultures neuronales primaires de rat, montrant l’importance des microtubules dans la neurogenèse (Hoff et al., 2022).

Le transport intracellulaire est une fonction cellulaire essentielle qui est assurée par un vaste réseau cytosquelettique et trois grandes classes de protéines motrices, à savoir les kinésines, les dynéines et les myosines (Hirokawa et al. 2009; de Lanerolle 2012 ; Olenick et Holzbaur 2019). Alors que les myosines sont responsables du transport à courte distance le long de filaments d’actine orientés de manière aléatoire, les kinésines et les dynéines assurent un transport directionnel à longue distance sur un réseau de microtubules polarisés (Titus, 2018).

La kinésine-1, un moteur dirigé vers l’extrémité + des microtubules, a été la première kinésine identifiée et est bien caractérisée (Hirokawa et al. 2009). Elle transporte diverses cargaisons, notamment des protéines, des organites, des complexes nucléoprotéiques (RNP) et même des virus (Chudinova et Nadezhdina 2018; Garcin et Straube 2019; Banerjee et al. 2020) et est essentiel pour de nombreux processus tels que le transport réticulum endoplasmique (ER)-Golgi, la distribution mitochondriale dans les axones et les dendrites, la migration cellulaire et la formation des axes chez les embryons.
La kinésine-1 abrite un domaine moteur N-terminal, suivi d’une longue tige enroulée qui médie l’homodimérisation, et une queue flexible avec une fonction de régulation (Seeger et Rice 2013). Les deux domaines moteurs sont alimentés par l’hydrolyse de l’ATP, qui provoque des changements de conformation qui permettent à la molécule de kinésine de se déplacer de manière processive le long des microtubules (Qin et al. 2020).
Des mutations dans des kinésines peuvent être associées à des maladies comme par exemple des mutations dans KIF1A, qui appartient à la famille de la kinésine-3 et qui provoquent la paraplégie spastique familiale ou la maladie KAND (pour KIF1A-associated neurological disorder). Les symptomes sont liés à des défauts de transport vésiculaire et de transport d’organites le long des microtubules des axones et des dendrites où KIF1A joue un rôle important (Chiba et al., 2019).
Signalons que des membres de la famille des kinésines (kinésine-8 et kinésine-13), une fois arrivés au pôle + des microtubules en profitent pour provoquer une « catastrophe » c’est-à-dire la dépolymérisation rapide des microtubules (Shreshta et al., 2019).

Les microtubules forment également les cils primaires qui ont un rôle important dans la signalisation (par exemple de la voie Hedgehog) et les cils vibratiles qui mettent en mouvement le milieu extérieur (important notamment dans la mise en place de l’asymétrie droite/gauche).
Un cil primaire est présent à la surface de la plupart des cellules quiescentes de l’organisme. Il est produit à partir d’un centriole qui s’arrime à la membrane plasmique et devient le corps basal du faisceau des microtubules qui forme l’axonème (Sanchez et Dynlacht, 2016). Un mauvais développement des cils crée des pathologies appelées ciliopathies. La protéine OFD1 est un composant des centrioles et recrute IFT88, une protéine nécessaire à la formation des cils primaires (Singla et al., 2010). Des mutations perte-de-fonction du gène codant OFD1 sont impliqués dans plusieurs ciliopathies (maladie rénale polykystique, syndrome de Bardet-Biedl et syndrome orofaciodigital de type 1).
Les microtubules forment aussi les flagelles, notamment celui du spermatozoïde.

Dans les cellules végétales, des faisceaux de microtubules corticaux (juste sous la membrane plasmique) jouent un rôle fondamental pour guider les mouvements des complexes de cellulose synthase qui permettent la synthèse de cellulose de la paroi. L’orientation des microfibrilles de cellulose est directement dépendante de l’orientation des microtubules corticaux. Cette orientation détermine ensuite selon quel axe la cellule va pouvoir s’allonger (l’allongement se fait perpendiculairement à l’orientation des microtubules corticaux et des microfibrilles de cellulose), ce qui est un paramètre crucial pour la morphogénèse des tissus végétaux.

Un complexe en forme de rosette contenant plusieurs cellulose synthases sont rattachés aux microtubules corticaux par des protéines de liaison, telles que CSI1 et donnent naissance à plus d’une douzaine de chaînes cellulosiques, qui forment rapidement une microfibrille de cellulose cristalline dans la paroi cellulaire. Les microtubules corticaux sont reliés entre eux par des protéines comme MAP65 qui stabilise l’ensemble de la structure. Source : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4441250/
Le rôle des microtubules lors des divisions cellulaires est traité dans le chapitre « Cycles et divisions cellulaires »
Signalons que le développement et la dynamique des réseaux de microtubules et des microfilaments d’actine sont coordonnés. Les protéines de la famille des spectraplakines lient même directement ces deux composants du cytosquelette (Zhang et al., 2017).

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ET LE BILAN SUR LE CYTOSQUELETTE