GLOSSAIRE

La poule

Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay

*Embryon de poulet à 3 jours d’incubation. L’embryon est entouré par la membrane vitelline vascularisée et on observe aussi la cavité amniotique qui se referme autour de lui (encore ouverte dans la région postérieure à droite). Photo prise par une étudiante lors d’une séance de TP à la Préparation à l’Agrégation SVTU, Université Paris-Saclay

La poule est un modèle accessible et ancien de la biologie du développement. Aristote (384-322 avant JC) avait brièvement décrit son développement. Marcello Malpighi (1628-1694) a publié le premier compte rendu microscopique de son développement en 1672.

*Dessins d’embryons de poule de Malpighi

C’est dans un embryon de poule que l’embryologiste russe Pander a décrit pour la première fois les trois feuillets (ectoderme, mésoderme et endoderme) au début du XIXème siècle.

La maturité sexuelle de la poule est atteinte 17 semaines après l’éclosion. Bien que les voies génitales et les ovaires se forment des deux côtés au cours du développement embryonnaire, ceux de droite dégénèrent ne laissant qu’un appareil reproducteur complet à gauche.

La poule domestique réalise une ponte par jour presque tout au long de l’année, un processus issu de la sélection artificielle par l’Homme au cours de sa domestication. Les oiseaux sauvages ne pourraient se payer le luxe de perdre ainsi chaque jour des réserves précieuses alors qu’il n’y aura pas de fécondation dans la majorité des cas !

Les premières phases du développement de la poule sont relativement inaccessibles car elles ont lieu avant la ponte durant le trajet de l’embryon dans les voies génitales femelles alors que les enveloppes de l’œuf se déposent autour de lui (blanc d’œuf, membranes coquillères et coquille calcaire). Lorsque l’œuf est pondu, 24 heures après la fécondation, l’embryon commence sa gastrulation.

**Développement interne de l’embryon de poule avant la ponte. L’appareil génital de la poule est représenté (partie antérieure à gauche, partie postérieure à droite) avec le nom de ses différents segments. Les ovocytes (appelés ici F1) sont ovulés puis fécondés par les spermatozoïdes du coq dans l’infundibulum. Ensuite, le zygote descend les voies génitales et les différentes couches et enveloppes de l’oeuf se déposent autour de lui, tandis qu’il réalise son clivage. Les temps indiqués en haut sont ceux de la durée pendant laquelle l’embryon reste dans la portion donnée de l’appareil génital (la durée la plus longue est de 20h lors de la dernière phase, celle de la formation et du dépôt de la coquille calcaire). Les temps indiqués en bas correspondent au temps à partir de la fécondation. Les stades indiqués sont ceux définis par Eyal-Giladi et Kochav. Lorsque l’oeuf est pondu, 24-25h après la fécondation, il entame sa gastrulation. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/145/6/dev157453/48860/The-transcriptome-of-early-chicken-embryos-reveals

Ouverture d’un oeuf avec un embryon à 2 jours d’incubation (soit 3 jours depuis la fécondation) :

*Observation d’un embryon de poule après 3 jours d’incubation dans l’oeuf après injection d’encre de Chine sous l’embryon. Pour faciliter l’observation de l’embryon qui est naturellement peu visible car quasi-transparent sur le fond jaune du vitellus, on peut injecter de l’encre de Chine sous l’embryon grâce à une seringue. Ici, on peut observer les vésicules céphaliques, le coeur (bien rouge) qui forme un tube enroulé qui parait à l’extérieur du corps de l’embryon. Dans la partie postérieure, en bas, on voit le tube neural (trait vertical blanc) bordé de chaque côté par des somites (cubes blancs). L’embryon est naturellement « tordu » dans l’oeuf : la partie antérieure est en vue latérale droite, tandis que la partie postérieure est en vue dorsale.
*Dessin d’observation légendé d’un embryon de poulet de 3 jours d’incubation.

Pour faire des suivis de lignages chez l’embryon de poulet, on peut utiliser la technique de greffe caille-poulet mise au point par Nicole Le Douarin en 1968.

Image
*Nicole Le Douarin (1930-).
Source : https://embryo.asu.edu/pages/nicole-marthe-le-douarin-1930

Les deux espèces, très proches, ont des développements similaires. On greffe généralement des tissus de caille (donneur) sur un embryon de poulet (receveur), ce qui engendre des chimères parfaitement viables. On peut ensuite suivre le devenir des cellules greffées grâce à un immunomarquage avec un anticorps anti-QCPN (Quail but not Chicken PeriNuclear) qui reconnaît un épitope spécifique de caille.

On prélève un somite chez un embryon de caille de 2 jours et on le greffe sur un embryon de poulet du même stade à la place du somite correspondant. Il en résulte un embryon chimère caille-poulet.
*Coupe transversale d’un embryon chimère caille-poulet, 5 jours après la greffe de somite de caille réalisée selon le protocole présenté sur la figure précédente. La coupe a été immunomarquée à l’aide d’un anticorps anti-QCPN. Ce dernier a ensuite été révélé avec un anticorps secondaire couplé à une enzyme qui donne une coloration brune en présence de son substrat. La vertèbre visible sur la coupe a été colorée au bleu d’alcyan (un colorant qui marque les tissus cartilagineux). L’image de gauche correspond à la partie centrale de la coupe transversale. Celle de droite est un agrandissement de la périphérie de la coupe pour voir la peau. Photo : Patrick Pla, Université Paris-Saclay

L’embryon de poulet est un mauvais modèle génétique mais on peut réaliser des électroporations in ovo de vecteurs d’expression ou de siARN injectés au préalable dans la lumière du tube neural. Les cellules de la moitié (par exemple la moitié droite) du tube neural sont transfectées et les cellules de l’autre côté servent de témoin.

*Exemple de résultats d’électroporation dans le tube neural d’un embryon de poulet. Deux plasmides ont été électroporés après injection dans la lumière du tube digestif : un plasmide permettant d’exprimer la protéine chimérique H2B-RFP pour marquer les noyaux de toutes les cellules électroporées en rouge (H2B est une histone) et un autre plasmide permettant d’exprimer la GFP dans les cellules qui répondent à la voie de signalisation BMP (BRE-tk-GFP). On constate qu’un seul côté du tube neural est électroporé (l’ADN étant attiré par l’électrode (+), il ne se déplace et ne pénètre dans les cellules du tube neural que d’un côté). Les cellules où la voie BMP est activée se trouvent à l’extrémité dorsale du tube neural et certaines sont sorties de ce tube et ont commencé à migrer (cellules de crêtes neurales). Source : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/dneu.22099

Dans l’oeuf, l’embryon produit des prolongements, appelés annexes embryonnaires qui lui permettent d’assurer ses fonctions vitales (alimentation, respiration, excrétion…) et d’éviter la dessiccation.

*Les annexes embryonnaires de la poule. La vésicule vitelline est formée d’endoderme et de mésoderme (splanchnopleure) extraembryonnaires et est vascularisée. Elle permet à l’embryon de récupérer les réserves du vitellus. La cavité amniotique est bordée de l’amnios (ectoderme + mésoderme (somatopleure) extra-embryonnaires). Elle reconstitue un environnement liquide autour de l’embryon, diminue les adhérences aux tissus voisins et permet d’absorber les éventuels chocs. L’allantoïde est formée d’endoderme et de mésoderme (splanchnopleure) extraembryonnaires. Elle sert de rein d’accumulation (excrétion d’acide urique) et s’accole au chorion et se vascularise pour former l’allanto-chorion contre la coquille poreuse qui permet la respiration.

Les annexes embryonnaires du poulet peuvent également servir, par exemple dans le test de la membrane chorioallantoïdienne utilisé en cancérologie pour tester le caractère métastatique de cellules tumorales.

**Test de la membrane chorio-allantoïdienne. Des cellules (le plus souvent tumorales, représentées en vert) sont déposées à la surface de la membrane chorio-allantoïdienne (CAM), une annexe embryonnaire richement vascularisée, plaquée contre la coquille et qui assure l’approvisionnement en O2. Si les cellules tumorales produisent des métastases, elles vont pénétrer dans les vaisseaux sanguins et envahir de la membrane chorio-allantoïdienne éloignée du site du dépôt des cellules et aussi des tissus de l’embryon, notamment le foie (liver) et les poumons (lungs). Source : https://www.mdpi.com/2072-6694/11/10/1499/htm

Article pour en savoir plus sur les greffes sur la membrane chorio-alantoïdienne.

RESSOURCES :

Un site où on peut explorer avec des coupes sérielles divers stades de développement de l’embryon de poule.

Atlas de profils de patrons d’expression de gènes chez l’embryon de poule

EN DIRECT DES LABOS :

QUELQUES EQUIPES DE RECHERCHE FRANCOPHONES QUI TRAVAILLENT SUR CE MODELE :

Equipe « Formation et réparation du système musculo-squelettique » – Institut de Biologie Paris-Seine

Equipe « Hétérogénéité et plasticité au cours de la morphogenèse des Vertébrés » – CBI Toulouse