GLOSSAIRE

Croissance et guidage axonal

Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay

La mise en place des circuits neuronaux dans le système nerveux résulte d’une convergence de facteurs génétiques et environnementaux. La croissance et le guidage des axones est une étape clé de la mise en place de cette connectivité. Rappelons que le corps humain contient 1011 neurones, chacun formant en général 103 à 104 synapses, ce qui fait 1014-1015 connexions synaptiques. L’identité d’un neurone dépend fondamentalement à quelle cible il est connecté.

Au cours de leur différenciation, les neurones étendent d’abord plusieurs neurites qui ont tous le potentiel de devenir l’axone (stade 2) (Schelski et Bradke, 2017). Cette symétrie initiale est rompue lorsque l’un des neurites commence à s’étendre rapidement en tant qu’axone (stade 3), tandis que les autres neurites ne grandissent plus pendant un certain temps puis se différencient en dendrites (stade 4). La sélection d’un seul neurite comme axone est contrôlée par des signaux de rétroaction positifs et négatifs qui, respectivement, favorisent la formation d’axones et empêchent les neurites restants de se développer en axones (Arimura et Kaibushi, 2007).

*Polarisation neuronale et croissance axonale chez un neurone d’hippocampe de rat en culture. On observe au cours du temps (indiqué en minutes) qu’un des neurites devient plus allongé que les autres : il s’agit de l’axone. La partie distale de l’axone qui est aplatie et avec des protubérances est appelée cone de croissance. Barre d’échelle : 20 µm. Source : https://www.jneurosci.org/content/23/24/8618
*Polarisation neuronale dans des neurones hippocampiques embryonnaires de rat en culture. Peu après le début de la culture in vitro, les neurones forment quelques protubérances (stade 1). Ces protubérances tronquées ont des cônes de croissance à leurs extrémités et se développent en plusieurs neurites immatures (stade 2). Un neurite commence alors à rompre la symétrie morphologique initiale, grandissant à un rythme rapide ce qui établit la polarisation neuronale (stade 3). Quelques jours plus tard, les neurites restants s’allongent et acquièrent les caractéristiques des dendrites (stade 4). Environ sept jours après le début de la culture in vitro, les neurones forment des contacts synaptiques via des épines dendritiques et des terminaisons axonales et forment un réseau neuronal (stade 5).
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Source : https://www.nature.com/articles/nrn2056

Les axones ont une épaisseur comprise entre 0,1 et 15 µm mais peuvent avoir une longueur qui dépasse le mètre, ce qui implique un important contrôle de leur croissance sur un trajet qui peut être très long. L’étude de ces processus peut aussi être utile pour pouvoir stimuler la régénération axonale après une blessure.

*Image composite d’un neurone d’hippocampe de rat avec corps cellulaire et dendrites (violet) et axone de 1 cm de long (rouge, sa trajectoire a été rendue en zig-zag pour la faire tenir sur une image). On constate la longueur énorme de l’axone par rapport au reste de la cellule. Les motoneurones de certains grands mammifères peuvent atteindre 100 fois cette longueur. Source : https://carlosibanezlab.se/OUR_PAPERS/Ibanez_TCB2007.pdf
  1. Rôle du cytosquelette
  2. Une intégration de signaux attractifs et répulsifs
    1. Un exemple classique : les neurones commissuraux lors du développement de la moelle épinière
  3. Traduction locale et stabilité protéique dans les cônes de croissance
  4. La mise en place des ramifications
  5. La régénération axonale

Rôle du cytosquelette

Les signaux qui contrôlent croissance et guidage des axones activent des cascades de signalisation qui mènent très souvent à des modifications du cytosquelette. Le guidage axonal peut être considéré comme un cas particulier de migration avec le corps cellulaire qui ne bouge pas et seulement l’avant de l’axone qui se déplace (cône de croissance). C’est pourquoi on trouve de nombreuses structures cellulaires ou acteurs moléculaires en commun entre croissance axonale et migration cellulaire (dont le cytosquelette et les protéines associées).

*L’inhibition de la formation des microfilaments d’actine perturbe la croissance et le guidage axonal. Des embryons de xénope sont incubés ou non dans une solution contenant de la cytochalasine B qui est un inhibiteur de la polymérisation des microfilaments d’actine. On observe la trajectoire des axones qui partent de la rétine vers le tectum (ou toit optique). En présence de cytochalasine B, les axones sont plus courts et ne se dirigent pas vers le tectum.
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Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/089662739390181P

L’extrémité des axones forme des cônes de croissance, soutenus par un réseau dynamique de microfilaments et de manière plus limitée, de microtubules. La polymérisation et la dépolymérisation cycliques des filaments d’actine dans le cône de croissance sont nécessaires pour générer la force mécanique qui provoque l’allongement axonal. Les cônes de croissance présentent une structure similaire aux lamellipodes des cellules migrantes avec également des filopodes.

**Organisation des microtubules, des protéines associées (MAP) et des microfilaments d’actine dans les axones et les dendrites. Dans les axones, les microtubules (MT) forment des faisceaux stables et polarisés, qui assurent l’intégrité structurelle des axones et servent de « rails » pour guider les protéines motrices dépendantes des MT. Les MT axonales sont stabilisées par plusieurs MAP dont Tau, MAP1B et DCX. Le cône de croissance contient un ensemble de MT stables et dynamiques, qui sont essentiels pour l’avancement du cône de croissance d’un axone en développement. Les microfilaments d’actine sont particulièrement abondants dans le cône de croissance où ils dirigent le développement de prolongements de type filopode qui explorent l’environnement.
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Source : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fncel.2018.00165/full

La stabilisation des microfilaments d’actine dans les filopodes est un élément essentiel qui va faire « tourner » le cône de croissance vers un signal attractif. Les microtubules locaux doivent aussi être stabilisés car leur fonction de « rails » pour le transport permet d’apporter les éléments nécessaires à la reponse du cône de croissance à son environnement. L’importance de la stabilisation des microtubules est aussi montrée par le fait que de faibles doses de molécules stabilisatrices comme le taxol ou les épothilones facilitent la régénération axonale et la restauration fonctionnelle dans un modèle de blessure à la moelle épinière chez le rat. L’inhibition de la fidgétine qui est une enzyme qui détruit les microtubules a le même effet (Matamaros et al. 2019).

Les deux réseaux cytosquelettiques sont coordonnés par des protéines comme la Formine-2 qui stimule la polymérisation de l’actine, tout en stabilisant les microtubules dans les cônes de croissance. La Formine-2 y interagit à la fois l’actine et avec les tubulines et cette interaction est importante pour des changements de direction des cônes de croissance (Kundu et al., 2021). Des mutations perte-de-fonction du gène codant la Formine-2 sont associées à des retards mentaux et des déficiences sensoriels, probablement en association avec cette fonction coordinatrice (Law et al., 2014, Marco et al., 2018).

*Réseaux de microfilaments et de microtubules dans un filopode d’un cône de croissance. La Formine-2 (Fmn2) fait le lien entre les deux réseaux. Source : https://journals.biologists.com/jcs/article/134/13/jcs252916/270838/Coupling-of-dynamic-microtubules-to-F-actin-by

La croissance axonale ne doit pas non plus être trop excessive car les axones ne doivent pas « dépasser » leurs cibles et ne pas former trop de branchements. Par exemple, la protéine Efa6 inhibe la formation des microtubules et est nécessaire à ce que les axones aient une bonne longueur (Qu et al., 2019).

*Efa6 régule la longueur des axones dans des cultures de neurones primaires de drosophile.
Exemples de neurones primaires de drosophile cultivés 6 heures in vitro (A–C), observés en immunofluorescence pour l’actine (magenta) et la tubuline (vert) ; les neurones sont soit des témoins de type sauvage (A), soit déficients en Efa6 (B), soit exprimant Efa6-FL :: GFP ce qui correspond à une surexpression (C) ; les astérisques indiquent les corps cellulaires, les flèches pointent vers les extrémités des axones ; Barre d’échelle en C = 10 µm. Quantification des longueurs d’axones (D). Les différents génotypes sont codés par couleur : gris, témoins de type sauvage ; bleu, différentes conditions de perte de fonction Efa6 ; vert, neurones surexprimant Efa6. Source : https://elifesciences.org/articles/50319

En amont des éléments du cytosquelette et tout particulièrement des microfilaments d’actine, on retrouve les petites GTPases Rho, Rac et Cdc42. Elles sont impliquées dans le développement des cônes de croissance et dans le guidage axonal.

*L’activité des petites GTPases Rho, Rac et Cdc42 est nécessaire au maintien des cônes de croissance. Des neurones en culture avec des cônes de croissance sont incubés pendant 4h avec des concentrations différentes de la toxine B de Clostridioides difficile qui inhibe l’activité des petites GTPases Rho, Rac et Cdc42. Les concentrations sont indiquées en haut à gauche de chaque image en ng ml−1. On observe que pour des doses de plus en plus élevées de la toxine le nombre de filopodes diminue, le cône de croissance régresse et finit par disparaître. Source : https://www.nature.com/articles/ncb895

Récemment, une forme photoactivable de Rac a pu être exprimée in vivo dans des cônes de croissance de motoneurones de poisson-zèbre et la croissance des axones correspondants a pu être contrôlée par la lumière. La photoactivation de Rac a même permis de surmonter des signaux répulsifs et de faire passer des axones par des régions où ils ne peuvent pas pénétrer habituellement (Harris et al., 2020).

Une intégration de signaux attractifs et répulsifs

Les cônes de croissance « naviguent » sur de longues distances et subissent l’influence de signaux attractifs et répulsifs. Par exemple, des cônes de croissance de neurones sensitifs de ganglions de la racine dorsale (DRG) en culture vont être attirés par des fragments du tube neural dorsal mais repoussés par des fragments de tube neural ventral, expliquant que la destination habituelle des axones des neurones du DRG est le tube neural dorsal (Peterson et Crain, 1981).

Les cônes de croissance peuvent recevoir des instructions attractives ou répulsives :

  • par paracrinie (ligands solubles) : par exemple, la nétrine-1, agissant par l’intermédiaire des récepteurs de la famille DCC, favorise la croissance des axones et médie l’attraction; les protéines Slit, d’autre part, sont des signaux répulsifs qui agissent à travers les récepteurs de la famille Robo (Robo1 et Robo2; Notez que Robo3 est une forme particulière qui ne se lie pas à Slit et qui agit comme un dominant-négatif sur les 2 autres récepteurs Robo, c’est-à-dire qu’il inhibe la répulsion (Sabatier et al., 2004)). Citons en exemple les axones des cellules ganglionnaires de la rétine (RGC) qui sont empêchés de croitre dans les couches de la rétine par l’expression de Slit, sauf au niveau la tâche aveugle à la base du nerf optique où les cellules expriment la nétrine et attirent les axones des RGC (Thompson et al., 2006, Höpker et al., 1999). Comme dans tous les cas de paracrinie, le gradient de diffusion des ligands impliqués est un élément essentiel. Par exemple, la diffusion de Slit est limitée en raison de leur forte affinité avec les composants de la matrice extracellulaire tels que le collagène IV et le dystroglycane (Xiao et al., 2011; Wright et al., 2012).
  • par juxtracrinie (ligands transmembranaires) : Par exemple, les interactions impliquant les éphrines.
**Structure des éphrines et de leur récepteur Eph. Leur interaction constitue une communication juxtacrine. Un récepteur Eph a trois régions distinctes : la région extracellulaire constituée d’un domaine de liaison au ligand (LBD), d’un domaine riche en cystéine (CRD) et deux domaines de type fibronectine-III (FN1 et FN2), le région transmembranaire (TM) et la région intracellulaire constituée de la région membranaire juxta (JM), du domaine kinase (KD), du motif alpha stérile (SAM) et un motif de liaison PDZ (PDZ BM). Les ligands ephrinA sont ancrés à la membrane par glycophosphatidylinositol (GPI) tandis que les ligands ephrinB sont transmembranaires. Le terme de ligand et de récepteur est communément utilisé mais la signalisation se fait dans les deux sens entre les deux cellules interactantes. Source : https://www.mdpi.com/1422-0067/22/16/8593/htm
**La formation de la carte rétinotopique est régulée par les interactions des gradients d’éphrine A/EphA. Pour préserver l’information spatiale reçue dans la rétine (cercle jaune), les axones des cellules ganglionnaires rétiniennes (RGC) se projettent vers la zone terminale (TZ, cercle bleu clair) de leur cible (ovale violet) de façon régionalisée pour former la carte rétinotopique. Chez les mammifères, la cible est le colliculus supérieur (SC), alors que chez le xénope, le poussin et le poisson zèbre, c’est le tectum optique (OT). La carte rétinotopique se forme via l’interaction répulsive de l’éphrine A, qui est exprimée dans la structure cible, et des récepteurs EphA, qui sont exprimés sur les axones RGC en croissance. Comme le montrent les gradients de gauche, les EphA sont exprimées dans un gradient nasal-temporal (N-T) croissant dans la rétine, tandis que les ligands d’éphrine A sont exprimés dans un gradient antéro-postérieur (A-P) croissant dans la cible. Les axones qui expriment le plus de EphA ne peuvent pas croitre dans un environnement où il y a beaucoup d’éphrine A, ce qui explique l’arrêt de leur croissance dans la région antérieure du tectum ou du colliculus supérieur. En revanche, les axones avec moins de EphA peuvent continuer à croitre et atteindre la région postérieure. D’autres gradients de signalisation, notamment la signalisation inverse de l’éphrine A/EphA (côté droit), ainsi que l’éphrine B/EphB (en haut et en bas), sont également présentés ici et contribuent à la ramification des axones RGC. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/138/2/183/44798/Developmental-regulation-of-axon-branching-in-the
**Voie de signalisation des éphrines jusqu’à l’inhibition du cone de croissance via RhoA. L’activation de récepteurs aux éphrines par certains de leurs ligands déclenche la phosphorylation de Ephexin1, un facteur d’échange de guanine (GEF). Cela active la petite GTPase RhoA en facilitant son association avec le GTP. RhoA-GTP active ensuite la kinase ROCK (Rho-associated protein kinase), ce qui entraîne des modifications du cytosquelette d’actine responsables du repliement du cône de croissance. Ce mécanisme joue un rôle clé dans le guidage axonal en réponse aux signaux répulsifs de l’environnement extracellulaire. D’autres éphrines peuvent avoir un rôle au contraire de stimulation de la formation du cône de croissance.
Source : https://www.tandfonline.com/doi/full/10.4161/sgtp.1.1.12672#d1e96

Les sémaphorines sont également impliquées dans le guidage axonal par juxtacrinie, même si certaines formes peuvent être secrétées et participer à la signalisation paracrine. Elles peuvent en effet être transmembranaires, ou associées à la membrane par une queue de glycosylphosphatidylinositol (GPI) mais aussi solubles.

**Structure des différentes sémaphorines chez les Mammifères. Source : https://www.nature.com/articles/ejhg2015211

Les sémaphorines se lient aux protéines transmembranaires plexines et neuropilines. La signalisation activée par les sémaphorines au cours du développement est fondamentale pour la formation et l’organisation des circuits neuronaux. En effet, son dérèglement est lié à des maladies du développement du système nerveux telles que l’autisme et la schizophrénie (Gilabert-Juan et al., 2015, Mosca-Boidron et al., 2015).

Prenons un exemple avec un ligand soluble (paracrinie). Nell2 (neural epidermal growth factor (EGF)-like-like 2, initialement identifiée chez le poussin et nommée « Nel ») est une glycoprotéine extracellulaire qui présente des similitudes structurelles avec la thrombospondine 1 et qui est principalement exprimée dans le système nerveux. Nell2 est exprimé dans la région dorso-médiale du dLGN, qui correspond au territoire du thalamus recevant les axones RGC ipsilatéraux (c’est-à-dire dont le corps cellulaire est du même côté (côté droit par exemple)). Des analyses de traçage d’axones in vivo ont montré que le régionalisation spécifique de la projection des RGC est perturbée chez les souris Nell2 knock-out (Nell2−/−) : les axones RGC controlatéraux envahissaient anormalement le domaine ipsilatéral du dLGN, alors que les axones ipsilatéraux se terminaient par des plaques partiellement fragmentées, formant ainsi un motif en mosaïque de zones de terminaison d’axones controlatéraux et ipsilatéraux. In vitro, Nell2 induit un effondrement du cône de croissance et provoque une répulsion dans les axones RGC controlatéraux, mais pas ipsilatéraux. Cette inhibition spécifique de l’axone controlatéral a été observée à la fois dans les RGC de type sauvage et Nell2-/-. Ces résultats prouvent que Nell2 agit comme une molécule de guidage inhibitrice spécifique des axones RGC controlatéraux et les empêche d’envahir le territoire ipsilatéral du dLGN (Nakamoto et al., 2019).

*Nell2 inhibe la croissance des axones et induit l’effondrement du cône de croissance spécifiquement dans les RGC à projection controlatérale. (A-E) Tests de croissance axonale. Des explants de rétine ventrotemporale (VT ; contenant des RGC à projection ipsilatérale) (A, C) et ventronasale (VN ; RGC à projection contralatérale) (B, D) ont été préparés à partir d’embryons de souris E15.5 et cultivés pendant 72 h sur un substrat enduit de Nell2-AP (AP est un tag alcaline phosophatase) (A, B) ou AP (C, D), et la croissance des axones a été quantifiée (E) (n = 4 pour chaque condition). Nell2-AP a significativement inhibé la croissance des axones rétiniens VN (contralatéraux) mais pas VT (ipsilatéraux). Barres d’échelle : 100 μm. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/146/4/dev170704/49006/Nell2-regulates-the-contralateral-versus

Un même récepteur peut être capable d’intégrer des signaux attractifs et répulsifs. Néogénine (NEO1), un récepteur à un domaine transmembranaire de la superfamille des Ig, est capable de se lier à la Nétrine-1 (qui est généralement attractrice) et à RGM (qui est répulsive). L’interaction RGM/NEO1 aboutit à l’activation de la petite GTPase Rho et à la rétraction du cône de croissance. En présence des 2 ligands, il se forme un trimère Nétrine-1/RGM/NEO1 ce qui a pour conséquence d’inhiber les effets de chacun des ligands (Robinson et al., 2021).

Une partie des molécules de guidage axonal, notamment la Nétrine-1, la sémaphorine-3A et des éphrines, nécessite des radeaux lipidiques pour attirer ou repousser les axones. Les radeaux lipidiques sont des microdomaines hautement ordonnés et dynamiques de la membrane plasmique qui sont enrichis en cholestérol, en sphingolipides et en gangliosides, et sont essentiels pour un large éventail de voies de signalisation. Par exemple, les éphrines de type A nécessaires au développement de la rétinotopie (organisation spatiale des projections axonales en provenance de la rétine), induisent une réduction de la concentration d’AMPc spécifiquement à proximité des radeaux lipidiques dans les cônes de croissance des cellules ganglionnaires rétiniennes. La rétraction des axones nécessite en revanche une forte signalisation AMPc à proximité des radeaux lipidiques. Tout dépend de l’adressage ou de l’exclusion des sous-types d’adénylyl cyclase des radeaux lipidiques (Averaimo et al., 2016).

**L’éphrine-A5 induit une baisse de l’AMPc à proximité des radeaux lipidiques dans des cônes de croissance d’axones de cellules ganglionnaires de la rétine. Un système de FRET (fluorescence resonance energy transfer) sensible aux quantités d’AMPc soit à proximité des radeaux lipidiques (Lyn-H147), soit à distance des radeaux lipidiques (H147-Kras) a été utilisé sur des axones en croissance en présence ou en absence d’éphrine-A5. Plus les couleurs virent vers le rouge, plus la concentration d’AMPc est importante. Source : https://www.nature.com/articles/ncomms12896

Les facteurs attracteurs ou répulsifs peuvent agir sur les interactions cône de croissance-matrice extracellulaire (MEC) qui sont importants pour la croissance et le guidage axonal. Par exemple, la Sémaphorine-3A (sema3A) qui agit via des récepteurs Neuropiline/Plexine peut diminuer l’état d’activation de l’intégrine β1 (c’est-à-dire diminuer ses capacités à interagir avec la MEC) et promouvoir le désassemblage des points focaux d’adhérence contenant la paxilline (Bechara et al., 2008). Ces points focaux sont des éléments essentiels de la motilité où la cellule prend appui sur la MEC pour avancer. Leur désassemblage constitue donc un frein majeur à la croissance axonale dans une région où il y a de la Sémaphorine-3A.

*La présence de Sémaphorine-3A aboutit à la disparition des points focaux d’adhérence contenant de la paxilline. Des cultures primaires de neurones corticaux de souris nouveaux nés sont mises en présence ou non (cont) de Sémaphorine-3A pendant 20 minutes. Puis après fixation, une coloration phalloïdine-RFP (rouge) permettant de mettre en évidence les microfilaments d’actine et une immunofluorescence anti-paxilline (vert) est effectuée. Source : https://www.embopress.org/doi/full/10.1038/emboj.2008.86

Les molécules implqiuées dans la polarité planaire (PCP) peuvent également intervenir :

* soit de manière cellulaire-autonome comme dans le cas des neurones commissuraux où Frizzled3 et Vangl2 (deux membres de la voie Wnt/PCP) sont nécessaires dans les axones pour qu’ils tournent antérieurement après avoir atteint la région médiane sagittale (Lyuksyutova et al., 2003; Schafer et al., 2011)

*Voie Wnt/PCP et guidage axonal. Représentation de la distribution asymétrique de Frizzled3 (Fzd3) dans les cônes de croissance en raison de la localisation asymétrique de Vangl2 au niveau des filopodes. Ici, Vangl2 favorise l’endocytose de Fzd3 et la signalisation PCP dans certains filopodes pour assurer une signalisation asymétrique dans le cône de croissance en réponse aux gradients Wnt. Source : https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fcell.2021.692888/full

* soit de manière non cellulaire-autonome où c’est l’environnement des axones en croissance qui doit avoir une polarité planaire correcte (cas des axones des neurones du ganglion spiral de type II dans la cochlée) (Ghimire et al., 2018).

*Un défaut de polarité cellulaire planaire (PCP) dans l’environnement des neurones du ganglion spiral de type II dans la cochlée affecte le trajet de leurs axones. Le gène contrôlant la PCP Vangl2 a été délété spécifiquement dans les cellules cochléaires grâce au système Cre/Lox sous le contrôle du promoteur de Emx2. Le trajet des axones (où Vangl2 n’est pas délété) est suivi grâce à une immunofluorescence anti-NF200. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/145/12/dev159012/48441
Un exemple classique : les neurones commissuraux lors du développement de la moelle épinière

Par définition, les neurones commissuraux ont leur axone qui passe du côté contralatéral. La classe la plus dorsale des neurones commissuraux de la moelle épinière, les neurones dI1, a été largement étudiée en ce qui concerne le guidage de leur axone vers la région la plus ventrale du tube neural : la plaque du plancher. Ces axones traversent ensuite la ligne médiane et tournent vers l’avant à la sortie de la plaque du plancher du côté controlatéral.

*Neurones commissuraux en croissance et traversant la plaque du plancher (côté ventral en bas; côté dorsale en haut). Source : Compte Twitter @AxonsAlex

Pour cette population particulière d’axones, des molécules de guidage et des récepteurs contrôlant toutes les étapes de ce processus de navigation ont été identifiés et comprennent des attractifs et des répulsifs à longue portée, ainsi que des éléments de guidage à courte portée.

*Attraction des axones commissuraux de la moelle épinière par la nétrine-1.
Des morceaux de moelle épinière dorsale d’embryons de rat (en haut de chaque image) sont cultivés avec un morceau de la plaque du plancher (la partie la plus ventrale de la moelle épinière (à gauche) ou un agrégat de cellules COS sécrétant de la nétrine-1 dont le vecteur d’expression a été introduit dans ces cellules (au milieu) ou un agrégat de cellules COS témoins avec le vecteur d’expression vide (à droite). Contrairementa u contrôle, la plaque de plancher et la nétrine-1 provoquent toutes deux la croissance abondante et dirigée de faisceaux d’axones commissuraux à partir du tissu de la moelle épinière dorsale. Source : https://www.cell.com/cell/abstract/0092-8674(94)90421-9
*Guidage axonal des neurones commissuraux dans la moelle épinière en développement. Le schéma de gauche indique les trois étapes de la détermination du chemin des axones commissuraux : (1) extension vers la plaque du plancher ; (2) franchissement de la ligne médiane ; et (3) virage vers les régions antérieures. Les mécanismes moléculaires impliqués dans les trois étapes sont résumés à droite. Aux premiers stades (1), les axones commissuraux (bleu) sont subdivisés en six sous-populations dorsales (dI1-dI6) et étendent leurs axones vers la plaque du plancher. Ils sont guidés par des répulsifs dérivés de la plaque de toit (rouge ; BMP7 et Draxin). De plus, la plaque du plancher exprime des molécules attractives à longue portée : nétrine, Shh et VEGF. La nétrine dérivée de la plaque du plancher (vert foncé), mais pas des cellules précurseurs de la zone ventriculaire ventrale (vert clair), est indispensable pour la croissance des axones commissuraux jusqu’à la plaque du plancher. Une fois que les cônes de croissance dI1 ont atteint la plaque du plancher (2), ils y pénètrent à la suite de l’interaction de Cntn2 exprimé par le cône de croissance avec NrCAM dans la plaque du plancher (non illustré). L’activation de l’expression de Robo1 assure alors le croisement de la plaque du plancher et les axones sont expulsés de cette région par les interactions Slit-Robo1. De plus, l’interaction cis entre la plexine A2 et Sema6B sur les axones de pré-croisement empêche la réactivité aux sémaphorines répulsives de classe 3 (Sema3) exprimées par la plaque du plancher; cette interaction cis n’existe plus sur les axones post-croisement, où la plexine A2 forme maintenant un complexe avec la neuropiline 2 (Npn-2), rendant ainsi les axones post-croisement sensibles à la répulsion par Sema3. Shh contribue également à l’induction de la réactivité médiée par Npn-2 aux sémaphorines de classe 3 (non illustré). En atteignant la bordure controlatérale de la plaque du plancher (3), les axones tournent rostralement (vers l’avant) en réponse à des gradients opposés de Wnt (qui a un effet attractif) et Shh (qui a un effet répulsif). Shh agit comme attractif pour les axones de pré-croisement exprimant les récepteurs Ptc et Boc, et induit l’expression de Hhip, son récepteur, sur les axones en post-croisement. En plus de son effet répulsif direct sur les axones post-croisement, Shh module l’activité Wnt en façonnant le gradient d’activité Wnt d’une manière dépendante de Sfrp et en régulant l’expression de surface de Fzd3 d’une manière dépendante de Shisa2. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/145/10/dev151415/48515/Understanding-axon-guidance-are-we-nearly-there

Traduction locale et stabilité protéique dans les cônes de croissance

La production locale de protéines par une traduction d’ARNm spécifiques transportés dans les cônes de croissance est un élément essentiel.

*Ribosomes dans le cône de croissance d’un axone vu en microscopie électronique à transmission. PM = membrane plasmique. Source : https://elifesciences.org/articles/48718

Le transport des ARNm est contrôlé par des protéines qui s’associent à la région 3’UTR des ARNm tel que les protéines de la famille Pumilio (Goldstrohm et al., 2018). Pumilio2, notamment, empêche le transport des ARNm qui possèdent une séquence qu’il reconnaît dans leur 3’UTR (appelée PBE = Pumilio-Binding Element) et permet ainsi que seuls les ARNm « pertinents » soient transportés vers le cône de croissance (Martinez et al., 2019).

**La protéine Pumilio qui interagit avec les ARNm et contrôle leur transport est nécessaire au bon développement des neurites (dendrites + axone). Images en microscopie confocale de neurones cultivés in vitro provenant de drosophiles sauvages (contrôle) ou n’exprimant pas Pumilio (Δpum), aux jours indiqués après la mise en culture. Les anticorps ELAV et HRP marquent respectivement le noyau des neurones et la membrane plasmique. Barre d’échelle : 50 μm. Source : https://www.embopress.org/doi/full/10.1038/s44319-025-00401-z

D’autres protéines telle que ZBP1 facilitent le transport des ARNm vers le cône de croissance et plus tard vers la synapse (Turner-Bridger et al., 2020). ZBP1 interagit directement avec KIF11 (kinésine-5), une protéine motrice dirigée vers l’extrémité positive des microtubules (Song et al., 2015).

Du reticulum endoplasmique est aussi transporté vers les cônes de croissance et les ribosomes peuvent s’accrocher dessus pour la traduction de protéines transmembranaires ou sécrétées. Par exemple, dans les motoneurones en développement, la traduction locale dans les cônes de croissance est stimulée par des facteurs neurotrophiques comme le BDNF (qui agit via son récepteur TrkB) (Deng et al., 2021).

**Une stimulation par BDNF induit l’assemblage des ribosomes dans les cônes de croissance des motoneurones. (A) Images représentatives de cônes de croissance de motoneurones stimulés par le BDNF colorés en immunofluorescence anti-RPL24 (qui est une protéine de la sous-unité 60S des ribosomes) et anti-RPS6 (qui est une protéine de la sous-unité 40S des ribosomes). Quand il y a colocalisation, c’est que les 2 sous-unités sont ensemble (et sans doute participent à la traduction d’un ARNm). Le coefficient de Pearson sur la figure C permet d’estimer les colocalisations. En présence du bloqueur de polymérisation d’actine cytochalasine D, il n’y a plus de colocalisation induite par le BDNF. Les carrés blancs indiquent les régions d’intérêt montrées dans les images agrandies du cône de croissance sur la droite. Source : https://journals.biologists.com/jcs/article/134/22/jcs258785/273453/Dynamic-remodeling-of-ribosomes-and-endoplasmic

Des signaux attracteurs tels que la nétrine-1 (via le récepteur DCC), le BDNF (via le récepteur TrkB) et le NGF (via le récepteur TrkA) induisent la synthèse locale de composants cytosquelettiques tels que la β-actine (Leung et al. 2006, Willis et al. 2007, Yao et al. 2006).

*Un gradient de signaux attracteurs favorise le transport et la traduction localisée des ARNm codant la β-actine. La stimulation par des signaux attractifs, tels que la nétrine-1 ou le BDNF conduit à une synthèse asymétrique de β-actine du côté proche de la source du gradient, qui est médiée en partie par le transport de l’ARNm de β-actine vers cette région par la protéine de liaison ZBP1. La synthèse spatialement restreinte de β-actine conduit à la polymérisation de l’actine et à la rotation du cône de croissance. Source : https://www.nature.com/articles/nrn3210

En revanche, des signaux répulsifs tels que Sema3A (via les récepteurs Nrp1/PlexinA), Slit2 (via le récepteur Robo2) ou de certaines éphrines induisent la traduction de régulateurs négatifs du cytosquelette tels que RhoA et la cofiline, entraînant un effondrement du cône de croissance (Piper et al. 2006).

*Un gradient de signaux répulsifs favorise la traduction localisée des ARNm codant des protéines qui s’opposent à la formation de microfilaments d’actine. Les signaux répulsifs, tels que la sémaphorine 3A (SEMA3A) et SLIT2, activent la traduction axonale des protéines dépolymérisatrices d’actine RHOA et cofiline. Source : https://www.nature.com/articles/nrn3210

La synthèse mais aussi la dégradation des protéines est un paramètre important pour la croissance et le guidage axonal. Le système ubiquitine-protéasome permet de diminuer rapidement la quantité d’une protéine donnée dans le cône de croissance, ce qui permet de répondre rapidement à des signaux. Par exemple, une activité normale du protéasome dans les axones en croissance de cellules ganglionnaires rétiniennes est nécessaire pour que la nétrine puisse repousser ces axones (Campbell et Holt, 2001). L’ubiquitine ligase Cdh1-APC qui est connue pour jouer un rôle lors de la mitose (et notamment le déclenchement de l’anaphase) joue un rôle important dans la croissance axonale (Konishi et al., 2004). Elle agit non seulement dans le cône de croissance mais aussi dans le noyau où elle cible SnoN, un co-répresseur transcriptionnel (Stegmüller et al., 2006). SnoN stimule la croissance axonale dans les cellules granulaires du cervelet et donc l’action de Cdh1-APC module et limite la croissance axonale de ces neurones.

*Le co-répresseur transcriptionnel SnoN stimule la croissance axonale. Des cultures primaires de neurones du cervelet sont transfectées avec un vecteur contrôle U6 ou avec un vecteur permettant de synthétiser un ARNi inhibant l’expression de SnoN (U6/snon). La croissance des axones est suivie deux jours après la mise en culture et la transfection pendant 48 heures. Source : https://www.cell.com/neuron/fulltext/S0896-6273(06)00256-X

La mise en place des ramifications

La plupart des neurones développent plusieurs branches à partir de leurs axones uniques pour établir des connexions synaptiques à différentes destinations (Gibson et Ma, 2011 ; Kalil et Dent, 2014).

*Ramification des axones dans le système nerveux des vertébrés. En fonction de la morphologie, de la complexité et de la fonction, la ramification des axones est regroupée en trois classes dans cette revue : arborisation, bifurcation et formation collatérale. (A) L’arborisation se produit généralement dans la région cible (cercle bleu), où les structures ramifiées les plus élaborées sont générées par la formation de branches répétitives. (B) La bifurcation se produit également dans la partie terminale des axones, mais a tendance à générer deux branches filles qui se projettent vers des cibles (cercles bleus) dans des directions opposées. (C) Dans la formation collatérale, les branches filles poussent du milieu des axones, loin de l’extrémité des axones, et innervent des cibles qui sont généralement différentes des axones principaux (rectangles bleus contre cercles). Dans certains axones, une seule branche collatérale se forme (à droite), mais dans d’autres, plusieurs collatérales peuvent se former pour former des synpases avec des cibles similaires (à gauche). Structurellement, la formation collatérale pourrait être plus étroitement liée à la bifurcation des axones, car seules les branches de premier ordre sont générées. Les principales caractéristiques qui les distinguent sont les fonctions des branches filles et les angles entre la branche fille et l’axone principal. Source : https://journals.biologists.com/dev/article/138/2/183/44798/Developmental-regulation-of-axon-branching-in-the

L’architecture ramifiée se forme en plusieurs étapes, notamment l’initiation, la maturation, la croissance, le guidage et l’élimination des branches, qui sont régulées par des signaux extracellulaires et des activités neuronales (Gibson et Ma, 2011). Les branches peuvent se remodeler par compétition (Lichtman et Colman, 2000 ; Schuldiner et Yaron, 2015) ou en réponse à des blessures (Kerschensteiner et al., 2004 ; Tuszynski et Steward, 2012). Étant donné que chaque branche a des besoins structurels et fonctionnels uniques, les branchements constituent des « points de décision » potentiels pour le transport axonal.

Des protéines régulant le cytosquelette et tout particulièrement les microtubules ont été impliqués dans le contrôle des ramifications, par exemple DCX (Doublecortine) (Sébastien et al., 2025).

**Une perte-de-fonction de DCX aboutit à un défaut de polyglutamylation des microtubules et à des ramifications excessives. A) Graphique en violon montrant l’intensité de la polyglutamylation (polyE) dans les neurones corticaux primaires cultivés pendant 3 jours porteurs des mutations DCX suivantes que l’on trouve chez des patients avec des défauts de développement du cortex : S47R, Y64N, D86H, R178L, P191R, R192W, et comparés à CTRL0 (pas de mutation) et DCXKO1 (perte totale de fonction de DCX). B) Western-blots représentatifs de 3 expériences, montrant des niveaux de polyglutamylation des tubulines dans les neurones CTRL0, DCXKO1 et mutants DIV3 (DC1 : S47R, Y64N, D86H, DC2 : R178L, P191R, R192W). C) D’autres expériences ont permis d’aboutir à ce modèle : les neurones normaux ont des niveaux de polyglutamylation élevés. Dans ce contexte, DCX active les α-tubulin glutamylases TTLL. Dans les neurones avec une perte-de-fonction de DCX, on observe une diminution de la polyglutamylation du réseau de microtubules et un défaut de transport vésiculaire. L’addition ou l’association de ces deux mécanismes entraîne une production excessive de ramifications. Source : https://www.nature.com/articles/s41467-025-56951-2

La régénération axonale

La régénération des axones est essentielle pour restaurer les fonctions nerveuses mais elle est très limitée après une lésion dans le système nerveux central (SNC) chez les mammifères adultes par rapport au système nerveux périphérique (Muramatsu et Yamashita, 2014). Ce défaut est attribué à des molécules inhibitrices du SNC et à des facteurs neuronaux intrinsèques (Curcio et Bradke, 2018).

Dans le système nerveux périphérique, les cellules de Schwann qui sont dérivées des cellules de crêtes neurales (et absentes du SNC) jouent un rôle central dans la régénération. La partie distale de l’axone dégénère,
tout comme une courte partie de la partie proximale. Les cellules de Schwann qui avaient formé la gaine de myéline de l’axone se dédifférencient et prolifèrent. Avec les cellules microgliales et les macrophages recrutés à partir de la circulation sanguine, elles récupèrent et éliminent les débris. Cette réponse est appelée dégénérescence wallérienne, d’après l’anatomiste du
XIXème siècle, Augustus Waller, qui l’a décrite pour la première fois.

Ensuite, un nouveau cône de croissance émerge de la partie proximale de l’axone et croit en utilisant des signaux envoyés par les cellules de Schwann. Les mitochondries jouent notamment un rôle essentiel dans la régénération des axones en se déplaçant vers le cône de croissance et en soutenant ses fonctions (Cartoni et al., 2016; Han et al., 2016). La densité des mitochondries axonales augmente après une lésion, et les axones qui ne parviennent pas à augmenter la densité mitochondriale présentent une faible régénération. Ce processus est partiellement régulé par la kinase DLK-1 et par la protéine Armcx1 qui s’insère dans la membrane mitochondriale et interagit avec les protéines chargées du transport des motochondries.

**Armcx1, une protéine activant le transport des mitochondries, favorise la régénération des axones. Nerfs optiques provenant de souris injectées avec un vecteur viral AAV permettant l’expression de la protéine contrôle PLAP ou de Armcx1 et 15 jours après l’écrasement du nerf optique (ligne rouge en pointillés). Les axones ont été marqués avec une injection de CTB (un traceur antérograde). On observe que l’expression de Armcx1 a stimulé la régénération axonale. Source : https://www.cell.com/neuron/fulltext/S0896-6273(16)30834-0

Des changements impliquent bien sûr le cytosquelette pour la régénération et notamment les modifications post-traductionnelles de la tubuline qui compose les microtubules. Une augmentation de tubulines tyrosinées et une diminution de tubulines acétylées se produisent à proximité du site de la lésion après la ligature du nerf sciatique adulte. L’axotomie favorise l’exportation nucléaire de HDAC5 (Cho et al. 2013) et son gradient axonal est corrélé au gradient de désacétylation de la tubuline induit par la lésion (Cho et Cavalli 2012). La désacétylation de la tubuline est un mécanisme nécessaire pour stimuler la formation d’un cône de croissance dynamique et l’inhibition de HDAC5 conduit à une régénération moins efficace.

**L’exportation du noyau de HDAC5 induite par une lésion est essentielle à la régénération des axones. Une lésion axonale provoque une onde calcique rétropropagatrice envahissant le corps cellulaire et active la PKCμ qui rentre dans le noyau et provoque l’exportation nucléaire de l’histone désacétylase 5 (HDAC5) d’une manière conduisant à une acétylation accrue des histones qui stiumule la transcription de gènes codant des protéines nécessaires à la régénération. Dans le cytoplasme, HDAC5 catalyse la désacétylation des tubulines des microtubules ce qui permet une dynamique du cytosquelette favorable à la formation d’un cône de croissance dynamique. Source : https://www.cell.com/fulltext/S0092-8674(13)01277-4

Dans le SNC, des signaux inhibiteurs en provenance des oligodendrocytes empêchent la régénération.

**Mécanismes moléculaires de l’action des signaux inhibiteurs environnementaux dans la régénération axonale dans le système nerveux central. L’environnement du SNC adulte contient des molécules spécifiques qui inhibent la croissance axonale. Des inhibiteurs associés à la myéline, notamment la glycoprotéine associée à la myéline (MAG), Nogo-A et la glycoprotéine de la myéline des oligodendrocytes (OMgp), ont été caractérisés. Ces inhibiteurs associés à la myéline se lient au complexe récepteur NgR/p75NTR et activent RhoA (en inhibant Rho-GDI ce qui favorise la substitution du GDP par le GTP sur RhoA), ce qui entraîne l’effondrement du cône de croissance. Source : https://www.sciencedirect.com/science/article/am/pii/S016801021300179X

La compréhension de ces mécanismes pourrait conduire au développement de traitements régénératifs pour les lésions du SNC.