GLOSSAIRE

Caenorhabditis elegans

Par Patrick Pla, Université Paris-Saclay

Vidéo introductive sur C. elegans (activez les sous-titres pour la version française) :

Développement embryonnaire de C. elegans en accéléré :

Caenorhabditis elegans est un Nématode, donc un Ecdysozoaire (comme la drosophile). Il possède une cuticule dont la mue est contrôlée par des Ecdystéroïdes. Contrairement à la drosophile, son corps n’est pas métamérisé et il a l’aspect d’un ver rond.

Avec un cycle de vie de quelques jours seulement (dont un développement embryonnaire qui ne dure que 16 heures), une capacité à survivre dans un congélateur indéfiniment en état de vie ralentie, un plan corporel simple, une petite taille (1 mm de long) et un cycle de vie inhabituel bien adapté aux études génétiques, il a tout d’un organisme modèle idéal.

*Adulte hermaphrodite de Caenorhabditis elegans. La partie antérieure est en haut et la partie postérieure en bas à gauche. L’animal fait 1 mm de longueur. Source : https://www.sdbcore.org/object?ObjectID=325&SubTopicID=17
*Cycle de vie de Caenorhabditis elegans. Dans des conditions normales de laboratoire, C. elegans passe par quatre stades larvaires (L1 à L4) en environ 35h, et les larves L4 muent en adultes, qui survivent pendant environ trois semaines. Dans des conditions défavorables (faible nourriture ou surpeuplement), les larves L2 entrent dans un stade particulier dit dauer dans lequel elles sont capables de vivre en état de résistance pendant quelques mois. La cuticule de la larve dauer entoure complètement l’animal et obstrue la bouche, ce qui empêche l’animal de manger et arrête ainsi son développement. La cuticule dauer offre une bonne protection contre les facteurs de stress environnementaux. Les larves poursuivent ensuite un cycle de vie normal en devenant des larves L4 lorsque les conditions favorables reviennent.
Une version commentée de cette figure est disponible en vidéo.

Source : https://www.mdpi.com/2073-4409/10/8/1966

C. elegans est hermaphrodite, produisant des spermatozoïdes au stade larvaire L4 puis ensuite des ovocytes. Il peut exister quelques mâles dans les populations (à une fréquence < 0,2%), qui sont XO (alors que les hermaphrodites sont XX; il n’y a pas de chromosome Y).

*Modes de reproduction chez Caenorhabditis elegans.
Chez C. elegans, la majorité des individus sont des hermaphrodites, capables de se reproduire seuls par autofécondation. Au cours du développement larvaire des hermaphrodites, des testicules se forment et produisent des spermatozoïdes, qui sont stockés. Des ovaires se développent également, mais l’ovogenèse n’a lieu que plusieurs jours plus tard, au stade adulte. Les ovules produits sont fécondés par les spermatozoïdes stockés au cours de l’autofécondation ce qui produit majoritairement des descendants hermaphrodites (>99 %) et très rarement des mâles (<1 %). En revanche, lors d’une fécondation croisée entre un mâle et un hermaphrodite, la descendance est composée à parts égales de mâles et d’hermaphrodites (50/50). Ce système reproducteur particulier offre aux chercheurs de multiples manières d’étudier les gènes et leur transmission.

La dominance de l’auto-fécondation comme mode de reproduction est très utile en génétique car les allèles intéressants obtenus par mutagenèse ne vont pas être dilués par des allèles sauvages.

L’autre principal atout de C. elegans est son nombre restreint et précis de cellules. L’adulte de C. elegans comporte exactement 959 cellules somatiques (et un nombre variable d’ovules et de spermatozoïdes). Parmi ces 959 cellules, il y a 302 neurones et 56 cellules gliales. C’est un degré inhabituel de précision quantitative pour le nombre de cellules d’un animal et permet une traçabilité des lignages et une reproductibilité des observations très importante. Cela est du à la succession de divisions stéréotypées, au positionnement des cellules, à l’orientation des divisions et des attributions des destinées cellulaires. Une description minutieusement détaillée de la séquence des événements menant aux différents lignages cellulaires et à toutes les cellules différenciées est disponible.

*Schéma des premières divisons cellulaires de C. elegans et correspondance avec les lignages cellulaires. La première division du zygote (P0) en une cellule AB et une cellule P1 est un modèle pour comprendre les divisions asymétriques. D’autres divisions bien sûr se succèdent pas la suite. Source : https://www.embopress.org/doi/full/10.15252/msb.20145857
**La première division cellulaire chez Caenorhabditis elegans. La première mitose est précédée d’un pseudo-clivage pendant lequel il y a des flux de cytoplasme mettant en place la polarité de l’embryon et une constriction au niveau du futur plan de clivage. A la fin de la mitose, la cytodiérèse produit une grosse cellule AB (à gauche) et une petite cellule P1 (à droite). Source : https://www.nature.com/articles/s41467-021-26177-z
**Passage du stade 2 à 4 cellules chez Caenorhabditis elegans. Sur la première image, la cellule AB est à gauche, la cellule P1, plus grosse, est à droite. Remarquez que c’est la cellule P1 qui se divise en premier. La chromatine est marquée par une histone couplée à la GFP (vert) et la membrane plasmique est marquée par PH2 couplée à la Cherry (rouge). Barre d’échelle : 10 μm. Source : https://www.nature.com/articles/s41467-020-19863-x

L’ensemble du lignage embryonnaire de C. elegans est disponible sur ce lien.

Son connectome, c’est-à-dire l’ensemble des connections des neurones de son système nerveux (7.600 synapses), a été étudié depuis 1986 et est entièrement connu depuis 2019 (White et al., 1986, Cook et al., 2019).

Des méthodes de traitement d’images se développent pour pouvoir encore mieux suivre une par une les cellules de C. elegans, notamment dans la période tardive du développement embryonnaire et lors du développement larvaire où les muscles de l’animal sont actifs et où l’animal se plie et se replie sur lui-même. Voir par exemple cette vidéo (Christensen et al., 2021) où on « déplie » virtuellement un embryon de C. elegans pour mieux apprécier l’organisation de ses neurones.

La découverte du premier effecteur animal de l’apoptose, Ced-3, a été réalisée chez Caenorhabditis elegans en 1986 (Ellis et Horvitz, 1986, lien vers une version commentée de cet article). Cet organisme modèle se prêtait bien à ce genre d’étude car on connaît très précisément le nombre de ses cellules à tout stade de développement et donc une apoptose diminuée chez un mutant ne pouvait pas passer inaperçue.

*Absence de mort cellulaire chez le mutant ced-3 de C. elegans. a) Vue en Nomarski d’une larve nouvellement éclose. Les flèches indiquent des cellules mourantes. (b) Chez une larve mutante ced-3 au même stade, on n’observe pas ces cellules. Les pointes de flèches indiquent plusieurs des noyaux qui peuvent être vus dans les deux animaux pour montrer que l’on observe la même région, au même stade. Barre d’échelle = 10 micromètres. Une version commentée de cette figure est disponible en vidéo.
Source : https://els-jbs-prod-cdn.jbs.elsevierhealth.com/pb/assets/raw/journals/research/cell/libraries/annotated-classics/ACEllis.pdf

L’un des tout premier miRNA caractérisé, Let-7 (abréviation de lethal-7), a été découvert chez C. elegans (Reinhardt et al., 2000). Il inhibe l’expression de la protéine Ras et chez les Mammifères, il joue in rôle important pour éviter certains cancers.

Son génome de 130 millions de paires de bases (réparties sur 6 paires de chromosomes) a été le premier génome séquencé chez un animal (1998). Il code environ 21 000 protéines, et de nombreux mutants et autres outils sont disponibles pour l’analyse fonctionnelle des gènes. Bien que le ver ait un plan corporel très différent du nôtre, la conservation des mécanismes biologiques permet à ce que ce ver soit un modèle pour de nombreux processus de développement et de biologie cellulaire qui se produisent dans le corps humain (divisions asymétriques, apoptose…). 60 à 80% des gènes humains ont un orthologue chez C. elegans.

En laboratoire, on cultive C. elegans sur des plaques d’agar ensemencées avec Escherichia coli comme source de nourriture.

POUR ALLER PLUS LOIN

Pour voir ce qu’a apporté l’étude de Caenorhabditis elegans
sur les divisions asymétriques,
suivre ce lien

Site de référence sur Caenorhabditis elegans

QUELQUES LABORATOIRES FRANCOPHONES QUI TRAVAILLENT SUR CE MODELE :

Equipe « Autophagie et développement » – I2BC, Université Paris-Saclay

Equipe « Plasticité et reprogrammation directe chez C. elegans » – IGBMC, Strasbourg